La castration chimique peut-elle éviter la récidive ?

La mort de la jeune Angélique a relancé le débat sur la castration chimique. Le Dr Serge Stoléru, chercheur et auteur du livre "Un cerveau nommé désir", a répondu à nos questions.

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le , mis à jour le
La castration chimique peut-elle éviter la récidive ?
  • La castration chimique, de quoi s'agit-il ? 

Les médicaments utilisés dans le cadre de la castration chimique jouent sur la testostérone, l'hormone qui stimule à la fois le désir sexuel des hommes et sa manifestation physique, l'érection. Il existe deux grandes familles de médicaments, les anti-androgènes et les agonistes de la Gn-Rh. "L'anti-androgène, l'acétate de cyprotérone, joue en s'interposant entre l'hormone et le récepteur, notamment au niveau du cerveau, qui joue un rôle majeur dans le désir masculin, détaille le Dr Stoléru. Avec le médicament, on coupe le désir".

Il existe un autre mécanisme d'action avec un effet progestatif, qui par une cascade de réactions physiologiques diminue également le niveau de testostérone. "Mais ces effets ne font pas baisser énormément dans le sang la testostérone", nuance le spécialiste. Le médicament est donc indiqué en cas en cas de passages à l'acte limités au nombre d'une ou deux victimes, sans pénétration ni acte sadique. L'autre famille de médicaments, les agonistes de la GnRH, comme la triptoréline, entraîne une baisse massive du niveau de testostérone sanguin. Elle s'administre en injection sous-cutanée ou intramusculaire, et a une durée d'action de 3 mois. Elle est indiquée en cas de passage à l'acte répétés, notamment avec pénétration ou sadisme.

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  • A qui est destinée la castration chimique ?

L'indication des tous les traitements antihormonaux concerne les personnes qui sont passées à l'acte et dont on considère qu'ils sont à risque important de récidive. Ces individus disent avoir des impulsions sexuelles fortes et incontrôlables. Je pense que cette prescription serait utile dans une grande majorité de ce type de cas… (il y a une grande variabilité individuelle des effets de la testostérone sur le désir sexuel mais dans la majorité des cas, ça aurait un effet important).

En France, tous les traitements antihormonaux sont donnés avec consentement de la personne et couplés avec une psychothérapie.

  • Quelle est son efficacité ?

Si l'on est rigoriste, on n'a pas pour les anti-androgènes de preuve absolue de leur efficacité (en d'autres termes une étude sur un large échantillon et conduit avec une méthode rigoureuse). Mais l'expérience des quelques essais thérapeutiques et les spécialistes estiment que les anti-androgènes ont une efficacité qui est réelle et qui est modérée…. Alors que l'autre famille de médicaments, celle des agonistes de la GnRH, entraîne une baisse massive du niveau de testostérone sanguin et est donc probablement plus efficace, mais cette différence reste à démontrer scientifiquement.

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  • Aujourd'hui où en est-on dans la castration chimique en France ?

Je me suis aperçu avec une certaine tristesse qu'aucune recherche nouvelle n'est faite depuis 10 ans alors que sur le site de la Haute Autorité de Santé, on voit que les rédacteurs de l'avis demandent des travaux méthodologiquement adéquats dès juillet 2006... Le terme "castration chimique" n'est d'ailleurs pas adaptée parce que la castration a une idée de mutilation et de punition alors qu'un médecin ne le fait pas dans cette optique punitive. Deuxièmement, il y a un caractère irréversible dans la castration alors que ce qu'on l'on appelle "castration chimique" est réversible en quelques semaines.