Le dioxyde de titane, E171, sera-t-il bientôt interdit ?

Le dioxyde de titane est partout : dans les aliments industriels, les cosmétiques, les médicaments... Beaucoup d'associations souhaiteraient faire interdire cet additif soupçonné d'être dangereux pour la santé mais elles se heurtent à un lobby industriel très puissant.

Rudy Bancquart
Rédigé le , mis à jour le
"Guerre de lobbies autour d'un additif au dioxyde de titane", chronique de Rudy Bancquart, journaliste, du 25 mars 2019
"Guerre de lobbies autour d'un additif au dioxyde de titane", chronique de Rudy Bancquart, journaliste, du 25 mars 2019

Le nom de code du dioxyde de titane sur les emballages est E171. On en trouve partout : dans les plats préparés, les bonbons, le chocolat, les chewing-gums, les sauces etc. car il permet de blanchir et d'améliorer la brillance des produits. A la base, il s'agit d'une poudre blanche mais l'industrie alimentaire l'a réduite à l'état de nanoparticules, c'est-à-dire des particules 10.000 fois moins larges qu'un cheveu.

Normalement, la loi oblige l'industriel à signaler la présence de nanoparticules dans ses produits mais aucun ne le fait. Le problème, ces nanoparticules peuvent pénétrer dans l'organisme notamment par le système digestif.

Un risque potentiel de cancer ?

En 2006, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classe le dioxyde de titane comme cancérigène probable. En 2016, selon l'Autorité européenne de sécurité des aliments, le dioxyde de titane n'est "pas de nature à entraîner un risque sanitaire". Mais en janvier 2017, en France, une étude fait grand bruit : des chercheurs l'Institut national de la recherche agronomique montrent que l'exposition au E171 favorise la croissance de lésions pré-cancéreuses chez le rat. En revanche, rien n'indique que ces résultats puissent être extrapolés à l'homme.

Pour les associations de consommateurs, cela est suffisant pour interdire le dioxyde de titane. Deux associations vont particulièrement être actives : "Agir pour l'environnement" et "France nature environnement". Pour alerter l'opinion publique, elles s'appuyent sur les médias, qui vont très vite répondre présents. Parce que le dioxyde de titane est présent dans de très nombreux bonbons, et qui dit "bonbon", dit "enfant". Et personne n'a envie d'empoissonner les enfants.

Le lobby des associations de consommateurs

Les associations de consommateurs font aussi un peu de lobbying auprès de politiques. Même si ces dernières préfèrent parler de plaidoyer, l'objectif reste de convaincre les politiques. Elles font le tour des ministères et trouvent un allier de poids : Brune Poirson, la secrétaire d'État à la Transition écologique. Elle s'engage au nom du gouvernement à interdire le dioxyde de titane. On est alors en 2018 et la loi alimentation doit être votée par le parlement.

Pour s'assurer que l'interdiction soit bien votée, les associations proposent même des amendements pré-rédigés. Résultat : l'amendement est adopté, l'article est publié au Journal officiel en novembre 2018 : "La mise sur le marché de l'additif E171 ainsi que des denrées alimentaires en contenant est suspendue".

Le dioxyde de titane, bientôt interdit ?

Pour que le dioxyde de titane soit définivitement interdit, il faudrait que Bruno Le Maire, ministre de l'Economie en charge de la consommation, signe un arrêté. Mais en décembre 2018, un membre de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), qui dépend de Bruno Le Maire, annonce que le ministre ne signera pas l'arrêté.

Officiellement, il n'y aurait pas assez de preuves scientifiques sur la dangerosité du titane et il voudrait aligner la position française sur la position européenne. Or, l'Union européenne n'a pas l'intention d'interdire le TI02 pour le moment.

La contre-attaque des lobbies industriels

La santé des consommateurs n'est pas le seul intérêt en jeu dans ce dossier. L'association des producteurs de titane (TDMA) est un lobby très puissant avec des arguments de poids. Il représente 23.000 emplois dans l'Union européenne. Du côté des industriels français, l'association nationale des industries alimentaires (ANIA) est très active. Ce lobby ne souhaite pas que la France interdise seule le dioxyde de titane car cela créerait une concurrence déloyale avec les autres pays de l'Union européenne.

Un autre acteur économique ne veut pas de cette interdiction : l'industrie pharmaceutique. Car si aujourd'hui, le dioxyde de titane est présent dans 150 à 300 produits alimentaires, il est surtout présent dans 4.000 à 5.000 médicaments. Et si l'interdiction voit le jour pour l'alimentation, à terme il n'y a pas de raison qu'on les laisse dans les médicaments.

Les associations de consommateurs sont furieuses du volte-face du ministre. 22 organisations, dont "La Ligue contre le cancer", ont interpellé Bruno Le Maire dans une tribune publiée dans Le Monde en mettant en avant le principe de précaution : "Si incertitudes il y a, à qui doivent-elles profiter ? A l'industrie agroalimentaire ou à la santé publique ?". Interrogé dans l'émission "C à Vous" sur France 5, Bruno Le Maire persiste avant de rétropédaler quelques jours plus tard. Il reçoit les associations et leur promet de signer l'arrêté qui interdit le dioxyde de titane dès qu'il aura reçu les conclusions de l'évaluation de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation mi-avril.

En attendant et malgré le vote de la loi, on trouve toujours du dioxyde de titane dans nos rayons de supermarchés mais moins qu'avant. Face à la médiatisation du problème depuis deux ans, de nombreux industriels ont retiré le dioxyde de titane de leurs produits (Carrefour, Leclerc et Casino). Si vous voulez connaître la liste des produits qui en contiennent, vous pouvez consulter le site de l'association Agir pour l'environnement. En revanche, on trouve toujours du dioxyde de titane dans les cosmétiques et médicaments.

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