Grossesse et épilepsie : quels sont les risques ?

Depuis plusieurs mois, la Dépakine® est au cœur d’un scandale sanitaire. Cet antiépileptique est accusé de provoquer des malformations physiques chez le foetus et des troubles neuro-développementaux. Entre 2007 et 2014, plus de 14.000 femmes enceintes ont été exposées à cette molécule. Les pratiques ont-elles changées depuis ? Comment les patientes épileptiques envisagent-elles leur grossesse ? 

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Pendant ses trois premières grossesses, Victoria a pris de la Dépakine®, un antiépileptique dangereux pour le fœtus. Ses enfants n’ont pas de malformation physique. Mais en grandissant, on a diagnostiqué à sa fille des troubles de l'apprentissage. Ses deux fils eux aussi ont parlé très tard.

Victoria y voit un lien avec le médicament. Alors, quand elle a voulu un quatrième enfant, elle a demandé à son neurologue d’arrêter la Dépakine®. "On m’a dit : 'il ne faut pas trop écouter ce qu’on dit à la télé, c’est un très bon traitement'. Mais je ne voulais pas prendre le risque de faire encore un enfant avec toutes ces difficultés", raconte la mère de famille. Face à son insistance, le traitement a donc été modifié. Ses médecins lui ont assuré que la nouvelle molécule était sans danger pour le fœtus. Aujourd’hui, à l’exception de ses rendez-vous chez le neurologue, Victoria a exactement le même suivi médical que les autres femmes pour sa grossesse.

Les deux premières échographies n’ont pas révélé de malformations de la colonne vertébrale, des reins, du cœur… Seule limite : ces examens ne dépistent pas les troubles cognitifs. Les risques des antiépileptiques sur le fœtus sont évalués par le Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT). Un site accessible à tous. Certaines molécules sont davantage compatibles avec une grossesse. Les spécialistes s’accordent donc sur l’importance de ne pas arrêter son traitement. 

"Se dire qu’on est probablement mieux sans médicament antiépileptique n’est pas la bonne solution. On sait que multiplier les crises généralisées, celles avec les convulsions, qu'on appelle tonico-cloniques, n'est pas bon. Au-delà de cinq crises réalisées pendant la grossesse par exemple, on a un risque développemental pour l’enfant", explique le Dr Gilles Huberfeld, neurologue à l’hôpital La Pitié-Salpêtrière, à Paris (AP-HP).

Les autorités sanitaires conseillent donc aux femmes atteintes d'épilepsie de voir un gynécologue avant même de tomber enceinte. "Un des intérêts de la consultation pré-conceptionnelle avec le neurologue et le gynécologue-obstétricien, est d’essayer de choisir des médicaments qui vont être mieux tolérés pendant la grossesse d’un point de vue fœtal. L’épilepsie peut aussi avoir d’autres interactions : la fréquence des crises d’épilepsie peut évoluer pendant la grossesse. C’est imprévisible. Il faut aussi en discuter", précise Marc Dommergues, gynécologue à l’hôpital La Pitié-Salpêtrière.

Depuis 2015, il est recommandé de ne plus prescrire la Dépakine® aux femmes en âge de procréer.  S’il n’y a pas d’autres alternatives, les patientes doivent être clairement informées des risques par leur médecin.