Covid : l’utilité du port du masque remise en question ?

Selon une étude danoise, le port du masque chirurgical n'aurait qu'un petit effet pour se protéger de la covid. Décryptage.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Le modèle en tranches d'emmental illustre l'utilité de la combinaison de plusieurs gestes barrières.
Le modèle en tranches d'emmental illustre l'utilité de la combinaison de plusieurs gestes barrières.  —  Crédits : © Ian Mackay / Traduction : Nathalie Clot

Le port du masque n’a-t-il qu’un "petit effet" contre la covid ? Une étude danoise publiée le 18 novembre dans la revue Annals of Internal Medicine de l'American College of Physicians pose la question.

Portant sur 6.024 personnes, elle montre qu'1,8% des porteurs de masque (3.030 personnes) a contracté la covid, contre 2,1% de ceux qui ne le portait pas (2.994 personnes). "Nous n'avons pas pu montrer un effet significatif", conclut le professeur Kasper Iversen, co-auteur de l’étude. Pour lui, l'effet du port du masque, s'il n'est pas insignifiant, "n'est pas aussi important que nous l'anticipions".

Pas de "remise en question" des recommandations

Mais l’étude à elle seule ne suffit pas pour tirer une conclusion claire. "Les recommandations actuelles (de porter un masque quand la distanciation est impossible, ndlr) ne sont pas sérieusement remises en question par l'étude" tempère le professeur Iversen. Et pour cause : la taille de l'échantillon utilisé dans l’étude est insuffisante pour établir une signification statistique solide.

Tests peu fiables, consignes peu suivies…

Un article annexe publié avec l'étude pointe donc ses importantes limites pour nuancer ses conclusions. Premier point souligné : l’étude a été menée au Danemark, un pays avec des taux de transmission relativement faibles.

Ensuite, moins de la moitié des participants (46%) ont correctement appliqué les consignes de port du masque. Aussi, ses résultats se basent sur des tests de détection des anticorps au virus dans le sang, dont la fiabilité est variable.

Enfin, l’étude ne porte que sur la protection des porteurs de masques quand personne d'autre n'est masqué. En effet, les travaux ont été réalisés entre avril et mai 2020, quand le Danemark faisait face à une pénurie de masques et que seuls les personnels hospitalier - et les participants à cette étude - en portaient.

"Les spécificités du cadre de l'étude limitent non seulement sa force statistique mais aussi la généralisation de ses conclusions", signale donc l’éditorial annexé à l'étude.

Un masque, oui, mais pas seulement

Pour le docteur Tom Frieden, co-auteur de ce commentaire, "il n'y a absolument aucun doute sur le fait que les masques fonctionnent pour empêcher de contaminer les autres, et probablement pour protéger ceux qui les portent également".

Que retenir alors ? Que nous n’avons pas pour l’heure de preuve solide pour réfuter l’utilité du port du masque. Et pour les auteurs de l’éditorial, "l’utilisation de masques dans la communauté peut réduire considérablement le risque de transmission du SARS-CoV-2, en particulier lorsqu'un nombre suffisant de personnes les utilisent et lorsque le port de masques est associé à d'autres mesures sociales et de santé publique efficaces".

Car un seul geste barrière ne suffit pas à lutter contre le coronavirus. C’est l’addition de chaque geste (masque, lavage de mains, distance physique, distance sociale…) qui aboutit in fine à une protection maximale contre la covid. Pour illustrer cette idée, le virologue australien Ian Mackay a mis au point le modèle du "swiss cheese" (emmental en français).


Schéma traduit en français par Nathalie Clot, directrice de bibliothèque universitaire à Angers.

Concrètement, chaque tranche représente un geste barrière, et chaque trou représente une faille à ce geste. En combinant les tranches, c’est-à-dire les gestes, chaque faille devient moins risquée, jusqu’à aboutir à une protection totalement efficace.