Troubles psychiatriques : quelles solutions pendant le confinement ?

Les patients atteints de troubles psychiatriques et leurs proches sont des victimes collatérales du confinement. Mais le monde de la psychiatrie se démène pour que le lien avec ces personnes fragiles ne soit pas rompu.

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le , mis à jour le
Près d’un Français sur 10 a connu un épisode dépressif au cours des douze derniers mois.
Près d’un Français sur 10 a connu un épisode dépressif au cours des douze derniers mois.

Les risques pour les patients et la prise en charge médicale en confinement

Le 1er avril, la Haute Autorité de santé a publié un avis sur les réponses rapides à apporter aux patients souffrant de pathologies psychiatriques en situation de confinement à domicile. Elle y souligne "la grande vulnérabilité" des ces personnes, qui présentent souvent des pathologies accroissant le risque de souffrir d'une forme grave de Covid-19. Mais le risque pour eux est aussi celui d’une décompensation de leur état psychique.

Désocialisation et angoisses

"Pour les personnes vulnérables, il y a deux éléments, souligne le Pr Antoine Pelissolo, chef de service de psychiatrie au CHU Henri Mondor à Créteil. D'une part, le fait de ne plus sortir comme d'habitude entraîne un risque de désocialisation, à l'origine d'angoisse, de démoralisation, de dépression, et de certains excès de consommation d'alcool, de tabac, ou de médicaments. Dans ce contexte, les traitements peuvent être arrêtés, avec un risque de rechute. Et la cohabitation avec d'autres dans un petit logement peut aussi générer des tensions. Ensuite, la peur d'attraper la maladie provoque aussi des angoisses, parfois exagérées par rapport aux risques réels."

Baisse du recours aux soins

Le virus a également des répercussions indirectes."Beaucoup moins de patients viennent aux urgences en ce moment car ils ont peur de se rendre dans les hôpitaux. constate le Pr Pelissollo. En psychiatrie, le nombre de passages a baissé. On peut craindre, par exemple, que des patients suicidaires ne soient pas en contact avec des soignants et que leurs situations s'aggravent "

"Certains soins ne sont pas considérés comme urgents mais n'en sont pas moins indispensables, ajoute le Dr Raphaël Gourevitch, chef de pôle au Centre Psychiatrique d’Orientation et d’Accueil (CPOA), qui centralise les urgences psychiatriques en Ile-de-France. Il est possible qu'à l'occasion de la crise sanitaire, au départ infectieuse, toutes les spécialités soient impactées et notamment la psychiatrie : des patients peuvent interrompre leurs prises en charge et avoir recours au soin trop tard, à un stade où il y a déjà des dégâts considérables. Le but aujourd'hui est de prévenir une crise sanitaire généralisée."

Quelles offres de soin, malgré le confinement ?

La continuité des soins est impérative et différentes réponses favorisent le maintien de la prise en charge ambulatoire.

"Tous les psychiatres en libéral ou dans les centres continuent à travailler par téléphone ou téléconconsultation, confirme le Pr Pelissolo. Les soins et le suivi sont conservés. Mais une partie de nos patients sont en difficulté avec les outils de communication : ils ne décrochent pas le téléphone, ne sont pas familiers avec Internet. Ils font partie des patients à risque et nous sommes plus proactifs en allant chez eux." Pour les patients qui ne peuvent pas avoir recours à la téléconsultation, des solutions alternatives existent comme l'aide à l’équipement, les visites à domicile, les consultations en structures de prise en charge ambulatoire, précise l'avis de la HAS.

"La psychiatrie s'est bien adaptée globalement sur les soins indispensables, avec les consultations individuelles en centres médico-psychologiques et dans des cabinets libéraux, évalue le Dr Gourevitch. Mais les soins de groupes et à visée de réinsertion psycho-sociale, dans les hôpitaux de jour ou centres d'activité divers, sont remis à plus tard... Certains patients peuvent donc décliner progressivement."

Les autres ressources, pour les patients mais aussi les proches

D'autres ressources existent en complément à destination des patients et de leurs proches qui sont aussi susceptibles d'être en souffrance avec le confinement.

Les associations spécialisées se mobilisent pour soutenir patients et proches : l'association Argos organise par exemple des groupes de parole à destination des patients souffrant de troubles bipolaires et de leur entourage. Le site du Collectif Schizophrénies apporte des informations utiles aux patients. Ou la Fédération française Anorexie Boulimie propose un article pour gérer un trouble du comportement alimentaire en confinement.

Différents sites internet fournissent des conseils pertinents et un soutien appréciable pour mieux vivre le confinement. "Pour les familles, on peut recommander le site de l'UNAFAM, précise le Pr Pelissolo. Il y a également beaucoup de référents pour le site Psycom, avec des informations liées au contexte et plusieurs types de services." Le site regoupe en effet les ressources utiles pour notre santé mentale durant le confinement.

"Sur le site du GHU Paris, nous avons recensé les orientations ouvertes ou fermées avec une page dédiée sur le confinement avec différentes ressources scientifiques de sociétés savantes", complète le Dr Gourevitch.

Des plateformes téléphoniques se mettent également en place. CovidEcoute a été lancée le 15 avril, pour toutes les personnes en détresse psychologique à cause du Covid et du confinement. Elle propose gratuitement des téléconsultations avec des psychothérapeutes, des supports et ressources diverses.

En Ile-de France, l'Agence régionale de santé a souhaité élargir une initiative intéressante du GHU Paris, en collaboration avec l'AP-HP : les familles et les aidants peuvent appeler gratuitement le 01 48 00 48  00 (numéro vert), de 13 à 21 heures, 7 jours sur 7, afin de bénéficier d'une écoute et d’une orientation spécialisée. "La plateforme peut donner des informations générales mais nous pouvons faire de la guidance pour des situations particulières. Pour une mère qui appelle pour son fils qui va mal et refuse de consulter, par exemple, détaille le Dr Gourevitch. Nous répondons de façon personnalisée et nous pouvons mener des actions individuelles. L'usage montre que les patients appellent également."

"Cette initiative se développera sûrement partout en France", estime le Pr Pelissolo qui rappelle qu'il ne faut pas hésiter à appeler les médecins ou à venir aux urgences si c'est nécessaire. "Ne vous négligez pas et ne vous autocensurez pas", conclut-il.