Les 15-45 ans, "vecteurs silencieux du virus"

Le ministère de la santé se montre préoccupé face à la remontée de l’épidémie de Covid-19, en particulier chez les jeunes. Le plus souvent assymptomatiques, ils peuvent pourtant transmettre le virus. Le Dr Benjamin Davido, infectiologue à l’hôpital Raymond Poincaré (92) répond à nos questions. 

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Les autotests sont au coeur du dispositif pour garder le contrôle sur l'épidémie cet été (Image d'illustration)
Les autotests sont au coeur du dispositif pour garder le contrôle sur l'épidémie cet été (Image d'illustration)  —  crédit : cc Cjp24

  • Pourquoi les jeunes sont-ils de plus en plus touchés par le virus ? 

Benjamin Davido, infectiologue, directeur médical de la cellule de crise Covid-19 à l’hôpital Raymond Poincaré (92) : Au pire moment de l’épidémie, on a martelé que le Covid-19 était une maladie des personnes âgées. Traumatisés, nos séniors ont joué cet été la prudence en restant confinés chez eux. A l’inverse de la population active, celle des 15-45 ans, qui peut enfin se réapproprier une vie festive :  on organise des soirées en plein air, on se balade dans les rues très fréquentées de son lieu de vacances... et on oublie de porter le masque. Les règles de distanciation sociale ne sont plus respectées. Or, le Covid-19 est une maladie qui touche les individus en bonne santé. Près d’un quart des personnes infectées ne présentent pas de symptômes selon Santé Publique France. Et parce qu’elles sont en bonne santé, elles sont le plus souvent asymptomatiques. Ces jeunes français sont donc en droit de penser qu’ils ne craignent rien pour leur santé. Ils ne se considèrent pas comme des personnes à risques. Or, la réalité, c’est qu’ils sont d’excellents transmetteurs de virus. Demain, ils pourraient contaminer leurs parents, grands-parents et collègues.  Ils entretiennent d’une certaine façon la chaîne de contamination, et on a là, selon moi, tous les ingrédients d’une bombe à retardement.  

 

  • Faut-il dépister systématiquement tous les jeunes, même quand ils ne présentent aucun symptôme ? 

Les campagnes de dépistage massives sont nécessaires mais elles posent beaucoup de questions ? Je suis asymptomatique, dois-je tout de même me faire dépister ? Si je suis négatif aujourd’hui, cela ne veut pas dire que je le serai encore demain ? Puis-je pour autant boire des verres au bar avec des amis ? Puis-je aller voir mes parents ? Quand dois-je refaire un test pour éviter que je contamine d’autres personnes ? C’est toute la difficulté de ces campagnes de dépistage : comment tester des personnes qui ne présentent aucun symptôme ? Faut-il tester les 70 millions de Français ? On sait bien que cela n’est pas possible. Alors qui faut-il privilégier ? Uniquement les personnes présentant des symptômes ? Le problème, c’est que l’on sait que 50% des contaminations se font durant la phase pré-symptomatique ? Je ne crois pas vraiment que ces campagnes massives de dépistage soient le moyen le plus efficace pour casser la chaine de transmission. En revanche, je crois davantage au port du masque, même en extérieur. Masquer massivement, c’est efficace et c’est aussi moins couteux.  

 

  • La commune de Quiberon a interdit l’accès aux plages et aux jardins publics le soir pour éviter les rassemblements festifs. Est-ce une solution ? 

La fermeture des plages ou des bars est pour moi un faux problème. Si les jeunes ne peuvent plus s’amuser dans les lieux autorisés, il y a de fortes chances qu’ils organisent des soirées privées ailleurs, et qui seront par définition hors de contrôle de l’Etat. On ne fait que déplacer le problème. Or, on s’aperçoit que l’une des grandes voies de contamination reste les réunions de famille ou entre amis. Il est donc urgent d’en appeler à la responsabilité des Français, et pour cela, il faut leur envoyer un message clair et précis. L’Etat martèle qu’il faut rester vigilant mais cela ne veut rien dire. Le meilleur moyen pour contenir une épidémie, c’est surtout d’inciter les personnes à appliquer les règles de sécurité sanitaire : respecter les distances sociales, et surtout porter un masque. On assiste à un véritable relâchement de ce point de vue-là. Quand je vois le comportement des Français cet été, j’ai peur pour mes vacances : je crains d’être réquisitionné par l’hôpital.