Des interventions à domicile pour stopper l'épidémie

Face à l'épidémie de Covid-19 en France, un nouveau dispositif est expérimenté par l'AP-HP. Covisan a pour objectif de casser les chaînes de transmission au sein des foyers. Le Pr Renaud Piarroux, spécialiste des épidémies, nous explique. 

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Des interventions à domicile pour stopper l'épidémie

Le professeur Renaud Piarroux, chef du service de parasitologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP), a formé des équipes mobiles qui se rendent au domicile de personnes potentiellement contaminées par le coronavirus. Le but est de les tester, les isoler et leur montrer en pratique comment ne pas infecter leurs proches. Il était l'invité du Magazine de la santé le 24 avril.

  • Concrètement, comment se passent les actions que vous menez sur le terrain ?

En premier lieu, le patient prend contact au service d'accueil des urgences, auprès de son médecin traitant, ou en appelant le 15. Une fois que le diagnostic d'infection à Covid-19 est posé, on peut commencer à discuter avec lui et essayer de voir dans quelles conditions il vit. Puis on essaie de faire avec lui un travail qui vise à limiter la contamination de ses proches. C'est une alliance entre le milieu médical et les patients. On peut déclencher différentes actions pour casser les chaînes de transmission.

  • Lesquelles ?

La plus simple consiste à distribuer des masques aux patient et à leur entourage. Parce que c'est très compliqué pour eux d'en trouver. Et aussi du gel hydroalcoolique. Mais on peut aller plus loin et leur rendre visite à leut domicile. Avec la famille, on regarde ce qu’il est possible de faire. On peut dépister les personnes autour du patient, même si elles sont asymptomatiques, car elles peuvent en théorie transmettre le virus. S' il y a des positifs, on va aussi discuter avec eux des moyens de stopper l'infection. Peut-on envisager un isolement à domicile ? Ou plutôt dans un hôtel, qu’on peut proposer gratuitement ?

  • Les personnes qui sont malades acceptent-elles facilement d’être isolées de leur famille ?

Il y a une grande adhésion des patients à la démarche. Ils apprécient vraiment de s’entretenir avec quelqu’un qui a une meilleure connaissance qu’eux de la transmission du virus. Et de discuter de ce qu’il serait intéressant de faire pour éviter de disséminer le virus. C’est un grand succès : plus de 120 personnes ont été prises en charge -patients et entourage de patients-. Et il n’y a pas eu besoin de mettre beaucoup de gens à l’hôtel : dans la plupart des cas, on trouve d’autres solutions, plus acceptables pour les familles.

  • Ces méthodes de terrain, vous les avez apprises en travaillant sur les épidémies de choléra, notamment en Haïti.  En fait, vous avez importé en France des méthodes utilisées dans des crises humanitaires ?

La France connait une crise humanitaire. Nous sommes assez nombreux en France à connaître ce type de travail avec des équipes mobiles et des relais communautaires. Mais ce n’était pas à l’agenda du ministère de la Santé jusqu’à ces derniers jours.

Si on avait commencé à confiner la population plus tôt, au moment où l’Italie l’a fait, on aurait pu sauver encore plus de vies. Mais quand nous avons dû faire face à la très grosse vague de cas, les mesures d’équipes mobiles comme nous les proposons actuellement n’étaient pas faisables. Cela n’aurait pas été efficace. Maintenant que les choses se calment un peu, c’est l’occasion d’agir, de ralentir l’épidémie le plus possible. De manières à être dans de bonnes conditions pour déconfiner, très doucement.