Histoire de la médecine : madame du Coudray, la première sage-femme

Si les accouchements peuvent aujourd'hui se dérouler dans une ambiance détendue, c'est parce que le personnel possède un savoir-faire médical. Un savoir-faire dont les bases ont été jetées il y a 300 ans, à l'initiative d'une femme de caractère : Mme du Coudray.

La rédaction d'Allo Docteurs
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1759. Une calèche sillonne les routes de France. À son bord, une femme chargée d'une mission de la plus haute importance : lutter contre le dépeuplement du pays. À l'époque, une femme enceinte sur dix perd la vie au moment de la donner. Pour remédier à cette hécatombe, les ministres de Louis XV font appel à une sage-femme : Angélique Marguerite du Coudray.

Des mannequins pour se former à l'accouchement

À 47 ans, madame du Coudray entreprend un long voyage de 25 ans à travers toute la France, au cours duquel elle va enseigner l'art des accouchements. Car dans les campagnes, depuis le Moyen-Âge, les accoucheuses au chevet des femmes n'ont aucune formation. Ce sont les matrones.

Malgré la pudeur de l'époque qui impose à la femme enceinte de garder ses vêtements, la matrone a tout de même acquis un savoir-faire empirique. Mais lorsque les choses tournent mal et que l'enfant ne sort pas, la matrone n'a d'autre recours que de s'en remettre à Dieu et sacrifier l'enfant pour sauver la mère.

Madame du Coudray veut rompre avec ces traditions en formant des sages-femmes. Pour enseigner les bonnes pratiques, elle a une idée originale : elle confectionne des mannequins. L'objectif étant que les élèves manipulent les mannequins qui reproduisaient parfaitement l'anatomie pour se former aux bons gestes. Grâce à ces mannequins plus vrais que nature, 10.000 sages-femmes vont être formées aux techniques d'accouchement.

François Mauriceau, "père" de l'obstétrique

Mais pendant qu'Angélique du Coudray éduque les femmes à la campagne, dans les villes un autre phénomène est en train de s'enraciner. Les hommes pénètrent dans un lieu qui leur était jusqu'ici interdit : la chambre de la parturiente. Des chirurgiens accoucheurs convaincus de la supériorité de leurs connaissances cherchent à concurrencer les sages-femmes. Les chirurgiens transforment l'accouchement en une science médicale. Le père de cette nouvelle discipline est François Mauriceau. Il est notamment l'auteur du traité des accouchements, livre fondateur de l'obstétrique contemporaine.

La médicalisation de l'accouchement est désormais en marche. Et pour prendre définitivement le pouvoir sur les sages-femmes, les chirurgiens leur interdisent d'utiliser un nouvel instrument venu d'Angleterre : les forceps. Grâce à cette invention révolutionnaire, les chirurgiens viennent à bout d'accouchements difficiles en seulement quelques heures.

Mais au XIXe siècle, la plus grande menace pour les femmes enceintes est l'insalubrité des hôpitaux. En mai 1856, à la maternité de Port Royal à Paris, 32 femmes viennent d'accoucher, 31 y meurent. Après avoir accouché, les femmes souffrent de fortes fièvres que personne ne sait guérir. Pas même le chef de la maternité, Stéphane Tarnier.

Les ravages des fièvres puerpérales

À cette époque, les médecins ne comprennent pas les causes de la propagation de ces fièvres dites puerpérales. On aère les pièces par des courants d'air mais rien n'y fait. Car, à cette époque, les étudiants en médecine passent des salles de dissection aux salles d'accouchement, sans se laver les mains et sans avoir aucun liquide antiseptique.

Sous le regard impuissant de Tarnier, les fièvres puerpérales vont faire des ravages pendant de longues années jusqu'à ce qu'il trouve la solution. En 1870, il s'inspire des nouvelles règles d'hygiène en vogue en Europe. Il impose au personnel de se laver les mains, de porter une blouse, un masque, des gants. Et ces mesures sont efficaces.

Dès lors, les maternités ne cesseront de se moderniser pour devenir au fil des siècles l'environnement le plus sûr pour accoucher. Au point que dans les années 50, des siècles de tradition vont être bouleversés. Les femmes, qui jusqu'alors préféraient accoucher à domicile, choisissent désormais en majorité l'hôpital. Une tendance qui depuis, ne s'est plus jamais inversée.