Votre chien vous comprend-il ?

On dit de lui qu'il est fidèle, dévoué, intelligent et joueur. Quelles sont les capacités des chiens à comprendre vraiment ce que dit leur maître ? Farah Kesri, vétérinaire éthologue, nous aide à comprendre.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
"Dans la tête d'un chien", chronique de Farah Kesri, vétérinaire éthologue, du 19 novembre 2018
"Dans la tête d'un chien", chronique de Farah Kesri, vétérinaire éthologue, du 19 novembre 2018

C'est l'éternelle question que l'on pose aux propriétaires de chien : "Est-ce que votre chien vous comprend ?".  Chaque maître a 1.000 anecdotes à raconter pour prouver que son chien comprend tout et qu'il est super intelligent. Malgré toute leur bonne foi, les personnes qui n'ont pas d'animaux sourient mais n'en croient pas un mot. Pourtant depuis quelques années, plusieurs équipes de recherche dans le monde s'intéressent aux capacités cérébrales du chien.

C'est le cas de chercheurs hongrois qui ont lancé il y une quinzaine d'années le "Family dog project". Les équipes d'Adam Miclosi et d'Attila Andics du département d'éthologie de l'université de Budapest ont réalisé différentes expériences. La plus classique consiste à rapporter un objet en le nommant par exemple bouteille, balle... et le chien doit rapporter le bon objet et doit réussir le test qu'il connaisse ou non la personne qui lui donne l'ordre. Ce genre d'expériences a permis de découvrir que les chiens peuvent apprendre la signification de plusieurs centaines de mots, que ce soit des objets ou des actions. Ils font en effet la différence entre un nom et un verbe (balle ou assis). Chaser, un border collie très connu, reconnaît lui 1.000 mots.

Une structure cérébrale semblable à celle des hommes

Les chercheurs hongrois ont réussi à faire passer des IRM à plusieurs chiens de races et d'âges différents. Il a fallu les entraîner à monter sur la table et à accepter le casque, placé sur la tête, et à rester calmes et immobiles durant sept minutes. Ils ont dans un premier temps comparé la structure cérébrale des chiens à celle des humains. Dans les grandes lignes la structure est similaire, il y a deux hémisphères et des zones spécialisées telles que l'audition, la vision etc.

Le chien a aussi un cortex cérébral, qui est responsable des comportements complexes et de l'intelligence. Plus il y a de neurones dans cette zone, plus l'espèce animale est capable de réaliser des actions complexes. Chez les chiens, cette zone renferme 530 millions de cellules, c'est plus que les chats qui n'ont que 250 millions et moins que les humains qui possèdent dans cette zone 16 milliards de neurones.

Les chiens comprennent-ils ce qu'on leur dit ?

Les chercheurs ont ensuite voulu savoir comment les chiens percevaient les mots. Un chien entend le ton employé par son maître, il peut donc comprendre quand il n'est pas content mais comprend-il le sens des mots ? Pour le savoir, les chercheurs ont observé le cerveau de treize chiens appartenant à quatre lignées différentes et de quatre races différentes : les border collies, les golden retrievers, les chiens chinois à crête et les bergers allemands. Les chiens écoutaient des enregistrements de la voix de leur entraîneur. Les mots que les chiens entendaient étaient des mots significatifs comme "bravo" ou "bon chien". Ils ont aussi prononcé ces mots avec des intonations différentes comme un ton neutre ou un ton joyeux ou élogieux.

Lorsque le mot avait du sens pour le chien, l'hémisphère gauche s'activait, et quand le mot avait une intonation et exprimait un sentiment, l'hémisphère droit s'activait. Autrement dit, ce que nous leur disons est analysé dans l'hémisphère gauche du cerveau alors que la façon dont nous l'exprimons est analysée dans l'hémisphère droit, dans le cortex auditif. Exactement comme pour les humains, les chiens traitent séparément les données sémantiques et les données d'intonation.

Des connaissances à développer

Canis lupus familiaris et homo sapiens se connaissent depuis longtemps puisque le chien a été la première espèce à être domestiquée il y a 15.000 ans à partir d'un loup gris. Mais l'éthologie a longtemps considéré que tous les animaux domestiques étaient, par leur contact avec les humains, des animaux dénaturés et qu'il était plus intéressant d'étudier des espèces sauvages telles que les primates, les cétacés ou les corbeaux. Résultat, nous en sommes à peu près au même stade de connaissances que pour la cognition humaine il y a un siècle. Pourtant, ces recherches ne servent pas seulement à conforter les amoureux des chiens, elles permettent aussi de mieux comprendre les origines de la perception de la parole au cours de l'évolution.

Si cette découverte ne veut pas dire que les chiens comprennent tout ce qu'on leur dit, cela prouve qu'ils ont la capacité cérébrale à s'adapter à nous et cela peut aider à optimiser la coopération entre nos deux espèces, notamment pour les chiens de travail comme les chiens qui aident les personnes handicapées, ou les chiens policiers qui détectent les explosifs ou des pathologies comme le cancer etc.