Pollution : l'incinérateur d'Ivry émet-il trop de dioxines ?
Un collectif de riverains de l’incinérateur d’Ivry-Paris 13 publie un rapport alarmant sur le taux de dioxines à proximité du site. Ces polluants issus de la combustion représentent un risque pour la santé. Reportage.
Depuis 1969, aux portes de Paris, à Ivry-sur-Seine, se dresse un immense incinérateur, le plus grand d’Europe. Chaque année, 700 000 tonnes de déchets disparaissent ici en fumée.
Les membres d’un collectif de riverains, le collectif 3R, le surveillent de près.
Poussières, métaux lourds et dioxines
"Vous voyez le panache de fumée ? On nous fait croire depuis assez
longtemps que c’est de la vapeur d’eau. Alors effectivement, il y a bien un peu
de vapeur d’eau mais il y a aussi plein de poussières, de métaux lourds et de
produits toxiques qui en sortent, donc ce n’est pas un joli petit nuage... C’est toxique",
explique Jean-Christophe Brassac,
co-président du collectif 3R.
Ce
qui inquiète le plus les membres du collectif dans ce nuage, ce sont les dioxines. Ils
ont donc fait appel à une ONG spécialisée pour évaluer la situation. Et le
meilleur biomarqueur des dioxines, ce sont les œufs.
Dans un poulailler situé
aux alentours,
les résultats sont accablants. Les taux sont
jusqu’à deux fois supérieurs aux normes réglementaires européennes.
"C’est quand même une énorme mauvaise nouvelle qui nous est tombée sur la tête car on sait que les dioxines, a priori, sont des toxiques qui se stockent dans le corps des animaux et les nôtres. Aujourd’hui on est assez inquiets pour notre santé, celle de nos enfants. Est-on en train de se préparer un petit cancer tranquillement ou pas", confie David Quesemand, habitant d’Ivry-sur-Seine.
Perturbateurs endocriniens et risque de cancer
Sur
les huit poulaillers, tous les résultats sont mauvais, excepté pour un. L’ONG ToxicoWatch souligne dans son rapport la "non-conformité
avec les valeurs limites réglementaires européennes".
Des
conclusions alarmantes. D’autant plus que la contamination aux dioxines passe
par l’alimentation, notamment par les produits laitiers ou encore le jaune de l’œuf.
"Si on est exposé sur le long terme à des
doses faibles, on va avoir potentiellement des augmentations de cas de cancer", explique le Pr Xavier Coumoul, toxicologue à l’Université de Paris. "Plus généralement, les dioxines ont des effets de perturbateur endocrinien. Elles sont toxiques pour la reproduction et ont tendance à inhiber le système immunitaire" liste-t-il encore.
Rendre les données publiques
Le
Syctom, l'agence publique de traitement des déchets ménagers qui gère l’incinérateur estime être parfaitement dans les normes, et juge que le
rapport de l’ONG présente des biais ou des absences.
De
leur côté, les membres du collectif de riverains se considèrent comme des lanceurs d’alerte. Ils souhaitent plus de
transparence de la part du Syctom.
"On
dit juste qu'il y a une présomption, donc il faut tout mettre en œuvre pour lever cette
présomption. Qu'ils fournissent les données et les mesures en temps réel,
puisqu'ils les ont, et on se chargera de les regarder avec des gens compétents. Ça
ne les empêche pas de faire leurs études et leurs analyses mais il faut mettre ces données à disposition", précise Jean-Christophe
Brassac,
co-président du collectif 3R.
En attendant le remplacement de cet incinérateur prévu pour 2023, l’Agence
Régionale de Santé a quant à elle demandé l’arrêt de la consommation des œufs dans la
région et a lancé une nouvelle expertise toxicologique.