De la soie pour ''cocooner'' nos vaccins

Un chercheur vient de trouver un moyen de conserver vaccins et antibiotiques sensibles à la chaleur, sans réfrigération, grâce à des protéines de soie. Cette innovation pourrait être d'un grand intérêt dans les pays en voie de développement.

La rédaction d'Allo Docteurs
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De la soie pour ''cocooner'' nos vaccins

Vaccins, anticorps, enzymes, antibiotiques… Certains médicaments, pour garder leur stabilité chimique, et donc leur efficacité, doivent être maintenus à basse température. Cette obligation limite considérablement la conservation et la délivrance de ces médicaments dans les pays qui manquent d'infrastructures. Selon les experts, environ la moitié des pertes d'efficacité de ces produits serait due à une rupture de la chaîne du froid. Même dans les pays industrialisés, la perte d'efficacité des médicaments avec la température du corps est un casse-tête pour les systèmes implantables d'administration des médicaments. Mais un ingénieur biomédical de l'Université Tufts dans le Massachusetts, David Kaplan, a peut-être trouvé une "douce" solution à cet épineux problème…

Publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, son étude met en évidence les propriétés isolantes des protéines de soie. Obtenues à partir du cocon du vers à soie, elles auraient la capacité de maintenir la stabilité chimique des biomolécules sensibles, jusqu'à des températures allant jusqu'à 60 °C. Et ce pendant des mois, voire des années.

Structure chimique isolante exceptionnelle

Pour cette étude, l'ingénieur a testé les performances de la soie dans la conservation du vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole, et aussi de deux antibiotiques : la pénicilline et la tétracycline.

Il se trouve qu'après 6 mois à 45 °C, les composants du vaccin conservé dans la soie n'avaient perdu que 15 % de leur potentiel d'activité. Les deux antibiotiques ont été maintenus dans les mêmes conditions. La tétracycline n'avait perdu que 10 % de son efficacité après 15 jours, à 60 °C. Quant à la pénicilline, elle était intacte après 30 jours, à 60 °C.

De plus, les chercheurs ont constaté un effet inattendu de leur "super-emballage" : les protéines de soie protègent aussi la tétracycline de la dégradation par la lumière.

Des performances nettement meilleures que les autres techniques actuelles de préservation comme l'encapsulage dans du collagène, une famille de protéines, ou dans des poudres et solutions. "La protéine de soie a une structure chimique unique qui la rend résistante à l'humidité, stable à des températures extrêmes, et biocompatible", explique David Kaplan sur le site de l'Université Tufts.

Comment l'expliquer ?

A haute température, ou en présence d'eau, les chaînes d'acides aminés qui composent les protéines actives des médicaments ont tendance à se déplier et à se regrouper, ce qui les rend inactives.

Les protéines de soie sont fibreuses et contiennent de nombreuses poches hydrophobes. Ces poches capturent et immobilisent les biomolécules actives, en les empêchant de se déplier et les protègent en même temps de l'humidité. Au final, les délicates molécules se retrouvent comme enveloppées dans du papier bulle…

De surcroît, cette structure de soie peut prendre différentes formes et ainsi assurer, en même temps que la conservation, le conditionnement des médicaments. Elles peuvent par exemple permettre la fabrication de micro-seringues ou de micro-vésicules.

Source : "Stabilization of vaccines and antibiotics in silk and eliminating the cold chain", PNAS, 2 juin 2012.

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