Un troisième patient guéri du VIH et d'une leucémie

40 ans après la découverte du VIH, un 3e cas de probable guérison vient d'être observé en Allemagne. Elle fait suite à une greffe de moelle osseuse issue d'un donneur naturellement protégé du VIH. Explications.

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le , mis à jour le
VIH : un troisième cas de guérison
VIH : un troisième cas de guérison  —  Le Mag de la Santé - France 5


38,4 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde, une maladie qui touche les cellules du système immunitaire. La prise en charge repose sur la trithérapie, un traitement lourd à prendre à vie. Une équipe de l'institut Pasteur vient de communiquer dans la revue Nature Medicine sur un troisième cas de guérison probable, chez un patient suivi à Düsseldorf, en Allemagne.

Officiellement, deux cas de guérison ont été décrits, avec le patient de Berlin en 2009 et le patient de Londres en 2019. Elles sont chacune survenues après une greffe de moelle osseuse, une technique agressive habituellement réservée aux maladies du sang.

Le cumul du VIH et d'une leucémie

Le VIH est diagnostiqué en 2008 chez le patient de Düsseldorf. Il commence un traitement  antirétroviral quand en 2011, survient une leucémie, un cancer qui touche les globules blancs.   

La chimiothérapie n'est pas suffisante et lorsqu'il rechute en 2013, ses médecins optent pour une greffe de moelle osseuse. Celle-ci se fait en deux étapes : la destruction des cellules malades grâce à un traitement immunosuppresseur puis le remplacement des cellules malades, par les cellules souches saines d'un donneur

Remplacer les cellules infectées et malades

Chez le patient de Düsseldorf, l'objectif est de supprimer à la fois les cellules immunitaires atteintes par le cancer et celles infectées par le VIH.

Le donneur a la particularité d'être compatible mais surtout d'avoir une mutation génétique baptisée CCR5 delta-32. Une mutation connue pour protéger du VIH en empêchant le virus d'entrer dans les cellules.   

"On sait que le virus du VIH a pour cible les cellules du système immunitaire, explique Asier Sáez-Cirión, responsable de l’unité Réservoirs viraux et contrôle immunitaire à l’Institut Pasteur, et co-principal auteur de l’étude. Lors d’une greffe de moelle osseuse, les cellules immunitaires du patient sont ainsi remplacées intégralement par celles du donneur, ce qui permet de faire disparaitre l’immense majorité des cellules infectées"      

"Double succès de guérison"

Moins de 1% de la population porte cette mutation protectrice, ce qui rend la probabilité de trouver un donneur compatible et porteur de la mutation très faible. De plus, la guérison de la leucémie n'est pas garantie, et encore moins celle du VIH.    

De l'aveu même de l'auteur, "il s’agit d’une situation exceptionnelle quand tous ces facteurs coïncident pour que cette greffe soit un double succès de guérison, de la leucémie et du VIH."   

Plus de cinq ans après sa greffe et malgré plusieurs complications, le patient de Düsseldorf est enfin stabilisé. Le traitement antirétroviral est donc suspendu en 2018 et depuis, aucune trace du virus n'est retrouvé dans le sang ou certains tissus du patient. Agé de 53 ans, celui-ci est en bonne santé et l'équipe scientifique estime qu'il est "probablement guéri de l'infection VIH." 

La greffe de moelle a éliminé les particules de virus présentes dans le corps du patient. De plus, si certaines persistent sans être détectées, la mutation les empêche de se propager et d'entrer dans les cellules de l'organisme.

Une stratégie qui n'est pas généralisable

Si ce cas confirme des perspectives thérapeutiques, cette stratégie reste très agressive et ne se justifie que pour les personnes souffrant d'une maladie de sang et pour qui aucune autre traitement existe. Ce qui exclue la grande majorité des patients vivant avec le VIH.

Mais en apportant une preuve de la possibilité de guérir du VIH, il donne de l'espoir aux chercheurs. Différentes stratégies sont à l'étude, que ce soit pour éliminer spécifiquement les cellules infectées ou en optimisant la réponse du système immunitaire au virus. Une autre piste serait de rendre les cellules saines résistantes à l'infection, sans passer par une greffe mais en introduisant la mutation CCR5 delta-32, grâce à la thérapie génique.