Conserver son sang de cordon ?

Pour la première fois, un tribunal français autorise des futurs parents à faire conserver le sang du cordon ombilical de leur premier enfant à naître, estimant que la médecine saura, un jour futur, en tirer profit pour traiter les pathologies qu'il pourrait éventuellement contracter.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Entretien avec le Pr Norbert-Claude Gorin, hématologue
Entretien avec le Pr Norbert-Claude Gorin, hématologue

Selon LeParisien, le tribunal de grande instance de Grasse vient d'autoriser un couple des Alpes-Maritimes à conserver le sang du cordon ombilical de leur enfant à naître. L’objectif : disposer d’une réserve de cellules souches (voir encadré) dans la double hypothèse où celui-ci contracterait une maladie, et où la médecine du futur serait capable d’utiliser ces cellules pour traiter cette maladie. Jusqu’à présent, la France n’autorise la conservation de sang de cordon qu’aux fins de soigner des proches (leucémie d’un frère ou d’une sœur, par exemple).

"C'est la première fois que la justice autorise une conservation par anticipation", a déclaré l’avocat des futurs parents, Me Emmanuel Ludot. Le tribunal aurait été sensible à l’important passif familial du couple : la grand-mère paternelle de l’enfant à naître serait décédée de cancers du pancréas et du foie, son grand-père maternel d'un cancer du pancréas en 2010, son père présentant pour sa part diverses pathologies lourdes.

Interrogé par Le Parisien, le Dr Noël Milpied, chef du service d'hématologie et de thérapie cellulaire au CHU de Bordeaux, juge qu’il s'agit "plus d'une décision humaine, pour pallier l'angoisse des parents, que basée sur des fondements scientifiques". Le Dr Ibrahim Yakoub-Agha, responsable des greffes au CHU de Lille estime que "si cette décision [faisait] jurisprudence, cela pourrait devenir inquiétant. On verra se développer des démarches plus commerciales que médicales".

En mai 2012, le Conseil constitutionnel s’était positionné contre l'utilisation du sang de cordon à des fins personnelles via des banques privées, rappelant d'une part qu’en France, ce don devait être anonyme et gratuit, et d'autre part que les promesses d'un "éventuel usage thérapeutique" des cellules conservées étaient presque toujours "sans fondement scientifique".

"Il y a un million de banques de sang de cordon dans le monde qui sont majoritairement à usage personnel (dit "autologue" : le donneur étant le receveur) et très majoritairement à but lucratif et à publicités mensongères", dénonçait alors le Dr Bertrand Weil, membre du Comité consultatif national d'éthique (CCNE).

L'utilisaiton de cellules autologues font l'objet d'expérimentations en néonatalogie, pour des infirmités motrices cérébrales et la réparation de fentes labio-palatines (bec de lièvre grave).

Les cellules souches sont des cellules non-spécialisées, capables de se différencier pour donner des cellules de tout type. On en trouve notamment dans le sang du cordon ombilical. La première greffe de sang de cordon, destinée à un enfant atteint d'aplasies médullaires, a été réalisée en 1988, à l'hôpital Saint-Louis à Paris.