"Beaucoup de patients schizophrènes ont des relations affectives !"

Les journées de la schizophrénie ont lieu du 16 au 23 mars. L’occasion de lutter contre les idées reçues liées à cette pathologie hautement stigmatisante.

Maud Le Rest
Rédigé le , mis à jour le
Le but est, qu'au fil de la thérapie, le patient prenne confiance et devienne de plus en plus affirmatif.
Le but est, qu'au fil de la thérapie, le patient prenne confiance et devienne de plus en plus affirmatif.  —  - ©Friedberg - Fotolia.com

"Le traitement a changé ma vie. Aujourd’hui, je n’ai plus du tout de problèmes." Denis a 51 ans. Comme beaucoup de personnes atteintes de schizophrénie, il a été diagnostiqué très tard. Au total, il aura vécu près de 25 ans avec la maladie, sans le savoir. Une situation qui l’a grandement handicapé dans ses relations avec les autres, mais aussi dans son travail. "J’avais énormément de conflits avec mon supérieur hiérarchique. J’ai eu de la chance que ça n’aille pas plus loin", confie-t-il. En 2014, il est finalement diagnostiqué schizophrène. Aussitôt, un traitement et un suivi adaptés sont mis en place. "Mes relations professionnelles se sont améliorées. Au niveau amical, j’ai moins de conflits liés à ma paranoïa", constate Denis.

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"On connaît tous quelqu’un atteint, de près ou de loin"

Si le quinquagénaire accepte de partager son expérience, c’est pour casser l’image hautement stigmatisante de la maladie. Car contrairement à ce que l’on croit, la schizophrénie peut être traitée de manière efficace, et les personnes atteintes peuvent mener une vie parfaitement normale. "Beaucoup de patients ont des relations affectives, certains ont même des enfants !" développe la psychiatre Astrid Chevance. La schizophrénie est d’ailleurs bien plus fréquente qu’on ne le croit : on estime que 1% de la population en souffre. "A titre de comparaison, l’asthme, c’est 6%. On connaît tous quelqu’un atteint, de près ou de loin", note la Dre Chevance.

Comment se manifeste la maladie ? Il y a trois sortes de symptômes, explique la psychiatre. Les symptômes positifs, tout d’abord, "comme les hallucinations, les voix méchantes, injurieuses, humiliantes". Les symptômes négatifs ensuite, "comme le repli sur soi, l’isolement". La désorganisation enfin. "Ce sont les symptômes les plus durs à comprendre. Il y a une absence de congruence entre les émotions, les pensées et les comportements. C’est ce qui crée le handicap au quotidien" précise la Dre Chevance. Les premiers symptômes positifs arrivent généralement vers 20 ans, tandis que les autres peuvent se manifester dès l’adolescence.

"J’ai repris confiance en moi"

C’est ce qui s’est passé pour Julien, 38 ans. "Quand j’étais au lycée, la maladie a commencé à se manifester par une phobie sociale. Je n’avais plus envie d’aller en cours" se souvient-il. A l’époque, sa schizophrénie n’est pas diagnostiquée, et il traverse plusieurs épisodes dépressifs. Il faudra attendre 2013, après une tentative de suicide, pour que des psychiatres mettent enfin des mots sur son mal-être. "J’étais effondré. Mais en même temps, j’étais soulagé. Car connaître sa maladie permet d’accepter le traitement et de commencer le travail" se rappelle Julien. Aujourd’hui, le trentenaire est stabilisé et bénéficie d’un "suivi top". Après avoir vécu dans une maison spécialisée pendant deux ans, il a pu s’installer dans un appartement seul. "J’ai repris confiance en moi" se réjouit-il.

"Il a retrouvé ses émotions. Il pratique beaucoup d’activités"

Même dans ses formes les plus lourdes donc, la schizophrénie peut être traitée. C’est le message qu’essaie de faire passer Jenny, dont le fils de 24 ans a été diagnostiqué fin 2013. En 2015, celui-ci a décidé d’arrêter son traitement, et a violemment agressé une personne dans la rue. Près de quatre ans plus tard, après avoir été jugé irresponsable pénalement et pris en charge de manière adéquate, le jeune homme va beaucoup mieux.

"Il a retrouvé ses émotions. On a baissé son traitement au maximum. Il pratique beaucoup d’activités : il fait beaucoup de sport, de la zoothérapie avec des petits chiens, de la poterie, il joue aux échecs, au poker…" raconte sa mère. D’ici à six mois, il pourra quitter l’Unité pour malades difficiles dans laquelle il réside actuellement. Ancien skateboarder de haut niveau, il espère bientôt pouvoir reprendre son sport.

Malades, proches et médecins s’accordent donc sur une chose : il est indispensable de déstigmatiser la schizophrénie, trop souvent employée comme synonyme de folie et de violence. Un moyen d’y parvenir serait peut-être d’utiliser un autre mot, pour la Dre Chevance : "Au Japon, depuis 2002, on parle de « troubles de l’intégration ». Ca permet d’annoncer le diagnostic plus facilement, et ça permet au patient de s’approprier le diagnostic." Une solution qui plairait à Jenny. Comme elle l’indique, même son fils préfère employer un autre terme. "Il préfère dire « pathologie bizarre » !" s’amuse-t-elle.