Alzheimer : quand faut-il s'arrêter de conduire ?
Peut-on conduire quand on est atteint de la maladie d'Alzheimer ? Difficile de répondre à cette question car la loi n'encadre pas ces situations particulières. Lorsque le diagnostic est posé, le médecin peut recommander au patient et à sa famille de ne pas prendre le volant, mais il n'y a aucune obligation. L'équilibre entre autonomie et sécurité routière est difficile à trouver car souvent confisquer le permis de conduire est vécu comme une privation de liberté. Décryptage.
Avec la maladie d'Alzheimer, le risque d'avoir un accident de la route est multiplié par six par rapport à une personne du même âge. Baisse de l'attention, incapacité à se situer dans l'espace… les médecins doivent alerter les patients sur les risques liés à la conduite.
Autre symptôme de la maladie : l'anosognosie. C'est-à-dire que certains malades n'ont pas conscience d'être un danger pour les autres. Alors les proches doivent mettre en place des stratégies comme l'explique le Dr Sidali Toumert, médecin gériatre : "La première chose à faire est de changer les clés, de les cacher. On peut aussi débrancher un fil du moteur… Et cela est extrêmement difficile à gérer au quotidien. C'est le seul artifice que l'on a trouvé pour que le patient ne prenne pas sa voiture".
Difficile pour le médecin d'alerter car il est tenu par le secret professionnel. Et ces stratégies ne fonctionnent pas toujours. Dans ce cas, il ne reste qu'une solution extrême pour les proches : prévenir la préfecture. Car d'après le Code de la route, seul le préfet peut prescrire un examen médical si l'état physique d'une personne est incompatible avec le maintien de son permis de conduire. "Toutes les personnes qui ont une maladie d'Alzheimer ne sont pas interdites de conduire. Cela dépend du stade de la maladie. Il y a des patients qui ont très peu de troubles attentionnels et qui peuvent tout de même faire quelques parcours en voiture. D'autres sont plus avancés dans leur maladie et ils vont avoir des difficultés de compréhension de l'espace, des difficultés attentionnelles majeures ou du trouble du comportement. Chez ces patients, il est fortement déconseillé de conduire", souligne le Pr Richard Lévy, neurologue.
Alors comment évaluer l'aptitude à la conduite au cas par cas ? Pierre Carnoy est gériatre. Médecin agréé, il décide si une personne peut garder ou non son permis de conduire. Pendant trois ans, il a mené une étude avec des confrères et le département de l'Allier. Pour eux, il faut tester les patients en conditions réelles : "Dans les formes légères et modérées de la maladie d'Alzheimer, il n'est pas facile de savoir si la personne peut encore conduire. Le médecin peut envoyer le patient chez un neuropsychologue pour dire à quel stade est la maladie. Mais nous avons considéré, surtout dans l'Allier, avec notre étude qu'il fallait aller plus loin, qu'il fallait demander un audit en auto-école".
Selon le Dr Carnoy, dans la maladie d'Alzheimer, "il y a un réel problème de double tâche, faire deux choses en même temps. Ceci est trop compliqué à l'avancée de la maladie. C'est ce qui nous inquiète au niveau sécurité routière". Depuis 2010, la loi autorise les médecins du permis de conduire à demander un test. Mais en pratique ils sont encore peu nombreux à y avoir recours.