Le vrai du faux sur l'orgasme de la gorge

TRIBUNE. Les articles sur l'orgasme de la gorge fleurissent depuis quelques jours. En plus de s'appuyer sur des faits discutables voire erronés, ils ajoutent une pression de plus aux femmes. La Dr Charlotte Tourmente, sexologue, fait le point.

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le , mis à jour le
Le vrai du faux sur l'orgasme de la gorge
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C'est un article de Slate qui a mis le feu aux poudres (et à la gorge) et qui se fondait sur une enquête de l'Insider. Le site titrait à la fois sur les femmes qui avaient vécu ce type d'orgasme et sur l'existence d'un simili point G dans la gorge.      

Des conseils pour accepter une fellation profonde !

Une "sex educateur" y donne même des conseils pour réussir à accepter une fellation bien profonde : "la femme doit être dans le bon état d'esprit pour accepter un pénis aussi profond dans la gorge". Ce conseil désespérant et culpabilisant s'accompagne de plusieurs témoignages pour réussir à avoir un orgasme de la gorge.   

À l'opposé de ces expériences, les patientes en consultation nous confient leurs difficultés à faire une fellation du fait d'un réflexe nauséeux. Ce réflexe protège les voies aériennes et il est tout à fait physiologique. Elles en souffrent, certaines se sentant incompétentes de leur propre aveu et en profond décalage ; ce type d'article ne peut que renforcer leur souffrance.   

Je rappelle qu'il ne faut jamais accepter un acte inconfortable, désagréable ou qui nous met mal à l'aise. Et ce, d'autant plus que le partenaire est pressant ou s'il force la profondeur de la fellation en appuyant sur la tête de sa ou son partenaire. Cela va à l'encontre d'un acte consenti et respectueux et est inacceptable.

Des informations erronées

Parler de "point G dans la gorge" n'a par ailleurs aucun sens. Sur un plan anatomique, il est prouvé que le point G n'existe pas. En revanche, certaines femmes pourraient avoir davantage de sensibilité au niveau d'une zone appelée complexe urétro-clito-vaginal (plus concrètement, il s'agit de la zone incluant l'urètre, une partie de la face avant du vagin et la racine interne du clitoris). Zone qui serait située aux alentours du point G mais dont les effets sont variables en fonction des femmes.

L'article fait également des raccourcis erronés sur le nerf vague : ce nerf dispose bien de plusieurs ramifications, l'une innervant la gorge et d'autres étant destinées aux viscères dans l'abdomen. Il pourrait participer à l'orgasme qui survient chez certaines femmes lorsque le col de l'utérus est stimulé par la pénétration d'un pénis ou d'un sextoy, les informations de plaisir remontant de façon ascendante vers le cerveau. 

Mais contrairement à ce qui est dit dans l'article, la stimulation de la gorge ne peut pas directement provoquer des sensations au niveau sexuel par ce nerf, les informations de la gorge ne pouvant pas "descendre" vers les organes génitaux.         

De l'abus de langage aux cas très rares

La gorge ne fait pas partie des zones érogènes primaires, qui se définissent par leur capacité à provoquer un orgasme. Il s'agit chez les femmes du clitoris, du vagin, des lèvres et du col de l'utérus ; chez les hommes, du pénis et notamment le gland, le scrotum (qui contient les testicules) et de la prostate.   

D'autres zones érogènes sont dites secondaires, comme l'intérieur des cuisses, les seins, le périnée, les fesses. Elles sont sensibles aux stimulations mais ne provoquent pas directement d'orgasme. Elles peuvent toutefois y contribuer de façon indirecte : les sensations provoquées par les stimulations se doublent d'une excitation psychique qui peut être puissante et augmenter l'intensité de l'orgasme si les zones érogènes primaires sont stimulées.

Chaque personne, en fonction de ses expériences, peut érotiser une zone et avoir des sensations plus ou moins marquées : les lobes d'oreilles, la nuque, etc. En ce sens, la gorge, très innervée, peut devenir une zone érogène et peut être considérée comme une voie d'entrée du plaisir. Mais l'orgasme passera par les voies habituelles : les organes génitaux, les nerfs puis le cerveau, le premier organe sexuel. Il s'agit a minima d'un abus de langage.   

De rares études abordent des cas où effectivement, les personnes décrivent un orgasme dont le point de départ ne provient pas de la zone génitale. Ces cas restent rares, le chiffre de 20% évoqué par l'article de l'Insider semblant étonnamment élevé – jamais les patientes n'abordent ce type d'orgasme en consultation. Ce chiffre proviendrait d'une étude de 1999, se fondant sur du déclaratif, souffrant d'un probable biais de recrutement et n'étant pas à ma connaissance reproduit par d'autres études. 

Une pression de plus pour les femmes

À quoi sert ce type d'articles ? De mon point de vue de sexologue, ils ne servent à rien, hormis à mettre une pression de plus sur les femmes et sur leur façon de jouir... 

Ils véhiculent des informations erronées, ne donnent aucun clé pertinente et au contraire, délivrent de mauvais conseils comme se forcer à accepter une fellation profonde. J'espère qu'au contraire, cette tribune vous aura donné des clés pour cultiver un esprit critique à la lecture des articles de cette veine.  

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Marina Carrère d'Encausse et Régis Boxelé présentent le rôle du clitoris  —  Le Mag de la Santé - France 5