Oui, l'éducation sexuelle est un enseignement comme les autres

Les cours d'éducation à la sexualité sont inscrits dans la loi depuis 2001. Pourtant, dans les faits, encore très peu d'élèves bénéficient des trois séances annuelles prévues par le code de l'éducation.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Education sexuelle : un enseignement comme les autres
Education sexuelle : un enseignement comme les autres  —  Le Mag de la Santé - France 5

C'est une première. Le Conseil Supérieur des Programmes de l’Education Nationale se penche sur le sujet de l'éducation à la sexualité et vient de publier un premier projet de programme pour ce que l’on appelle plus précisément "l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle". Ce projet doit encore être débattu et validé avant d’entrer officiellement au programme scolaire.

La loi prévoit trois séances par an

Et c’est un sujet qui crispe. Pourtant, il ne s’agit pas seulement de sexualité, mais aussi de notre relation aux autres ! Cette éducation consiste à apprendre comment fonctionne le corps, comment se comporter avec les autres, ce qui est tolérable ou non. Des compétences qui s'enseignent au même titre que les maths, le français ou l’histoire.

Depuis 2001, cet enseignement est même obligatoire. Le code de l’éducation décrit ainsi "une information et une éducation à la sexualité, dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées, à raison d’au moins trois séances chaque année". Mais la pratique est encore bien éloignée de la théorie : d’après un rapport de 2022, moins de 15 % des élèves bénéficient de ces trois séances chaque année.

Apprendre l'intimité et le consentement

Lolita Rivé, enseignante à Paris en classe de CE1, les dispense. Elle a même consacré un podcast à ses cours, intitulé C’est quoi l’amour, maîtresse ?, un hors-série du podcast Le Coeur sur la Table, dans lequel elle donne notamment la parole aux enfants.

Utiliser les vrais mots comme "pénis" et "vulve" pour désigner les différentes parties du corps, c’est le début de la connaissance de soi. Un sujet souvent difficile à aborder en famille, encore tabou, avec l’idée que parler de sexualité va mettre des idées dans la tête des enfants et des adolescents.

Pour Lolita Rivé, il faudrait peut-être retirer le mot "sexuel", de cet enseignement pour apaiser les esprits. "Evidemment qu'on ne va pas parler de sexualité pure et dure à des enfants de primaire" s'exclame-t-elle. "Ça n'a pas de sens, ce n'est pas de leur âge." En revanche, "on va leur apprendre à nommer les parties de leur corps, l'intimité, à respecter le consentement des autres, que les adultes doivent respecter leur corps, leur consentement, leur intimité..." détaille-t-elle.

Former les enseignants

Le problème est souvent que les parents voient leur enfant comme "un petit ange asexué". Mais la réalité est toute autre. À 12 ans, près d’un enfant sur trois a déjà été exposé à de la pornographie. En France, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle toutes les trois minutes. Et enfin, neuf femmes sur 10 ont personnellement subi, dans leur vie, une situation sexiste. Et c’est notamment pour lutter contre ces constats glaçants que ces cours sont indispensables. 

La loi existe, mais que manque-t-il pour que ces cours soient dispensés comme prévu ? Il manque avant tout des moyens et des ressources, notamment pour les enseignants. C’est le premier frein à lever, pour Lolita Rivé. "Un des gros obstacles à l'application de cette loi est d'abord la formation des profs. On leur demande de donner des cours sur une matière sensible dont ils ignorent tout", dénonce-t-elle. La bonne nouvelle, c’est que le projet de programme pourrait tout changer.

Apaiser les parents et lever les crispations

Mais ce n’est pas tout. Il faudrait aussi rendre cette loi contraignante. Jusqu’ici, depuis plus de 20 ans qu’elle existe, aucun résultat n'est demandé aux professeurs ni aux chefs d’établissement.

Il est également nécessaire de lever les résistances, les crispations et les fantasmes qui existent dans la société autour de ces cours. Il faut aussi apaiser les parents en leur expliquant qu'il ne sera pas demandé à leurs enfants de se mettre nus en classe, ni leur apprendre ce qu’est un cunnilingus. L’idée est vraiment d’apprendre comment fonctionne le corps et à quoi ressemble une relation, bien avant qu’elle soit sexuelle, la relation à soi-même et à l’autre.

Ces moments d’échange permettront d’abord aux enfants d'apprendre à se respecter eux-mêmes, à respecter les autres et participeront, au fil des générations, à faire évoluer la société.