Ingestion massive d'alcool : lorsque le pronostic vital est engagé

Ce week-end, un homme de 57 ans est décédé à Clermont-Ferrand quelques heures avoir absorbé 56 verres d'alcool fort. Selon le quotidien régional La Montagne, il aurait voulu battre le "record" affiché sur le compte Facebook du bar, récemment fixé à 55 "shooters". Comment une consommation d'alcool peut-il entraîner le décès ?

La rédaction d'Allo Docteurs
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Capture d'écran d'une photographie postée sur le compte Facebook du bar clermontois. D'autres clichés présentant une ardoise de records ont été supprimés du compte depuis l'incident.
Capture d'écran d'une photographie postée sur le compte Facebook du bar clermontois. D'autres clichés présentant une ardoise de records ont été supprimés du compte depuis l'incident.

Désir d'atteindre l'ivresse rapidement (binge drinking), chercher à démontrer à la cantonade que l'on "tient l'alcool"… Quels qu'en soient les prétextes, avaler à la chaîne des dizaines de shooters (cocktails servis dans des verres d'une contenance maximale de 10 cl, destinés à être consommés d'un trait) reste un jeu dangereux.

Selon La Montagne, ce 24 octobre, un quinquagénaire aurait pénétré dans un bar clermontois spécialiste de ces mini-cocktails, accompagné de sa fille et de l'ami de celle-ci. L'établissement affiche fièrement, sur les réseaux sociaux, les "records" de shooters battus par les clients sur son comptoir. Au dessus du comptoir, une ardoise annonce qu'un consommateur est parvenu à boire 55 verres d'affilée le 18 octobre. "Le quinquagénaire s'est alors proposé de placer la barre encore plus haut", relate La Montagne.

56 verres plus tard, l'homme, "totalement ivre", aurait été ramené chez lui en voiture. À 1h45, constatant que son père reste inconscient, sa fille alerte le Samu. Rapidement transporté au CHU, il y décède le soir même. Une autopsie pratiquée le 28 octobre aurait révélé que, plusieurs heures après son dernier verre, "le quinquagénaire affichait […] une alcoolémie encore proche de 4 g par litre de sang". L'examen médico-légal apparaît "compatible avec une mort consécutive à un coma éthylique"

Qu'est-ce qu'un coma éthylique ?

L'état de coma éthylique correspond à un état de perte de conscience provoqué par l'effet de l'alcool sur le système nerveux. Cet état va d'une grande somnolence à un coma profond dans lequel le réflexe de déglutition est perdu.

"Dans cet état de coma profond, il y a une baisse de tonus musculaire", nous explique l'urgentiste Gérald Kierzek(1). "Si la personne est sur le dos, sa langue peut basculer dans l'arrière-gorge, et obstruer les voies respiratoires. Par ailleurs, il n'y a plus de réflexe de déglutition et si le malade est pris de vomissements - ce qui arrive fréquemment du fait de la prise d'alcool - il peut s'asphyxier."

La prise d'alcool massive "peut également provoquer des troubles métaboliques graves, telle qu'une hypoglycémie(2) ou une hépatite aiguë". Mais, souligne le docteur Kierzek, l'étouffement et l'asphyxie "sont la cause de l'immense majorité de décès dans les situations de coma éthylique" : "on meurt parce que l'on s'étouffe, pas de la complication cérébrale due à la toxicité de l'alcool." Lorsque le malade s'endort en extérieur par temps froid, il peut également risquer l'hypothermie.

Comment réagir face à un coma éthylique ?

Face à une personne en état de coma éthylique, Gérald Kierzek préconise une mise en position latérale de sécurité (PLS). "De cette façon, la langue remonte d'elle-même, et la personne pourra vomir à l'extérieur."

Si le malade ne répond pas à un stimulus tel qu'une pression de la main, il faut appeler sans tarder le 15 ou le 18. Les secours prendront alors en charge le patient en urgence, et pourront procéder à une intubation destinée à dégager les voies respiratoires si nécessaire.

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(1) Chroniqueur au Magazine de la Santé et auteur de 101 conseils pour ne pas atterrir aux Urgences (2014).

(2) L'alcool interagit avec des protéines qui modifient l'activité de certaines enzymes responsable de la production de glucose. L'alcoolisation massive entraine dans un premier temps une hyperglycémie modérée, transitoire, puis une hypoglycémie. Les diabétiques sous traitement hypoglycémiant, mais également les individus ayant jeûné ou fragilisés par le froid sont particulièrement à risque. (Source : Société Française de Nutrition)

Une enquête judiciaire est en cours pour déterminer, notamment, la responsabilité du responsable du bar dans la chaîne des évènements ayant conduit au décès. Selon La Montagne, il affirme avoir demandé à l'homme de ralentir sa consommation au bout d'une trentaine de verres. Le cocktail servi ce soir-là titrait "environ 25° d'alcool".