"Les brutes en blanc" : la réponse d'un médecin généraliste

Dans son dernier livre "Les brutes en blanc", paru le 5 octobre, Martin Winckler, médecin et écrivain, dénonce la violence de ses confrères. Depuis, le monde médical est en émoi. Mathieu Calafiore, médecin généraliste, prend la défense de sa profession.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
"Les brutes en blanc" : la réponse d'un médecin généraliste

"Les brutes en blanc". Un titre volontairement provocateur. Pour créer le buzz, il faut un titre accrocheur. Il a eu le succès escompté en faisant réagir fortement médecins et patients.

Pourquoi les médecins ont-ils pris la mouche à ce point ? Après tout, il existe nombre d’exemples de patients qui ont pu subir un jour ou l’autre une forme de maltraitance de la part du milieu médical. On pourrait également dresser une liste d’examens inutiles et de traitements qui ne valent guère mieux. C’est un fait et aucun médecin digne de ce nom ne pourra nier cette évidence.

La provocation du titre du livre réside dans l’amalgame. Martin Winckler assurera, de bonne foi, qu’il n’a pas voulu en faire, il n’en reste pas moins que le titre est là et laisse planer le doute sur la possibilité que tous les médecins, sans exception, sont potentiellement des brutes. Mention spéciale si ces médecins occupent des fonctions universitaires, comme les Professeurs, qui exerceraient l’art de la maltraitance à son paroxysme.

Les amalgames sont dangereux. Celui fait ici sur les médecins est dangereux. Car il jette le discrédit sur les médecins vertueux, les lanceurs d’alerte, les professionnels qui tentent à leur niveau d’améliorer la vie de leurs patients. Ces professionnels, universitaires ou non, qui ne comptent pas leurs heures, prennent le temps d’expliquer la situation aux patients et leur laissent la possibilité de poser toutes les questions qu’ils souhaitent. Bien sûr, il existe des brutes en blanc. Ces « brutes professionnelles » sont aux antipodes de ce que doit être un médecin, et il faut pouvoir les dénoncer. Mais ils sont, fort heureusement, marginaux.

Les amalgames sont dangereux aussi parce qu’ils découragent ces professionnels de santé. Car quoi qu’ils décident de dire, on leur répondra, au mieux, qu’ils tentent de se défendre, au pire, qu’ils réagissent avec un esprit de caste. Mais la provocation ne peut aboutir qu’à une vision trop manichéenne de la santé française avec les méchants médecins qui sont des brutes et les gentils patients qu’on maltraite. La réalité du monde est tout sauf aussi simpliste.

La provocation de l’ouvrage de Martin Winckler risque de cliver un peu plus dans la société française et d’éloigner les patients de leurs soignants là où ils devraient, au contraire, réussir à se parler toujours plus, pour prendre des décisions concertées concernant leur santé. Les patients ont-ils besoin d’être défendus face à des brutes ? Je pense qu’ils ont surtout besoin qu’on les écoute et qu’on prenne en compte leur avis.

Les médecins, eux, ont besoin qu’on arrête de dire qu’ils sont tous pourris, vendus à l’industrie pharmaceutique comme peuvent l’écrire certains écrivants, un peu brutaux, qu’ils aient ou non une blouse blanche. Mais, ne faisons pas d’amalgame, il ne s’agit que de cas encore isolés.