Vague de froid : des avocats alertent sur la situation des jeunes migrants

Le froid qui sévit en région parisienne a poussé des avocats à signaler au procureur de Paris la situation des migrants mineurs isolés et sans abri.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Vague de froid : des avocats alertent sur la situation des jeunes migrants
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Pour ces avocats, trop c’est trop. Catherine Delanoë-Daoud et Isabelle Roth, responsables du pôle mineurs non-accompagnés du barreau de Paris, et Emmanuel Daoud, membre du conseil de l'Ordre de Paris, ont adressé jeudi 8 février un signalement au procureur de Paris, François Molins, pour l'alerter sur la situation "très préoccupante" de mineurs isolés "en danger" dans la capitale, en pleine vague de froid.

"De nombreux mineurs non accompagnés (...) se trouvent actuellement livrés à eux-mêmes dans les rues de Paris, sans abri, par des températures négatives, et de ce fait exposés à un danger grave et immédiat pour leur santé physique et psychique", s'alarment les avocats dans ce courrier adressé au procureur et au parquet en charge des mineurs. "Nous avons pensé qu’il allait y avoir des morts", a déclaré Me Delanoë-Daoud à Allodocteurs.fr.

Une population qui n'a pas accès aux structures réservées aux majeurs

Les mineurs ont été identifiés et recensés dans la capitale en milieu de semaine, principalement dans l'est et le nord parisiens, sur la base des informations d'associations de terrain spécialisées dans la prise en charge des réfugiés et de mineurs isolés. "Ces jeunes n'avaient aucune solution d'hébergement depuis plusieurs nuits", a déploré Me Delanoë-Daoud. Les avocats ont décidé de saisir le procureur en vertu de ses missions de protection de l'enfance, pour que les pouvoirs publics - la ville de Paris et le préfet de Paris - mettent "tous les moyens matériels et humains en œuvre afin d'assurer une protection efficace de ces mineurs", d'après leur courrier publié dans la revue juridique Dalloz.

Les avocats demandent que ces mineurs soient mis "en sécurité de toute urgence" alors qu'ils "n'ont pas accès aux dispositifs de mise à l'abri "classiques" du 115, réservés aux majeurs", soulignent-ils dans la lettre dont sont également destinataires le Défenseur des droits Jacques Toubon et la procureure générale de la cour d'appel, Catherine Champrenault. "Jusqu'à maintenant, nous n’avons pas encore de retour", a précis" Me Delanoë-Daoud à notre rédaction.

Une question d’"humanité"

Les avocats ont joint à leur signalement une liste nominative de 128 mineurs de 13 à 17 ans, la plupart, des garçons, "mais ce n'est qu'une partie de l'iceberg", selon Me Delanoë-Daoud.  "J’ai rédigé cette liste car ce sont des jeunes que nous avons vus. Et je voulais que, si un gymnase se libérait, on ait leur nom, leur prénom, leur numéro de téléphone pour pouvoir les appeler immédiatement. Je me suis arrêtée à 128 noms, mais depuis hier, il y en a 40 de plus à la liste", at-elle expliqué à Allodocteurs.fr.

Arrivés en France après un parcours souvent très éprouvant, sans aucune protection familiale, beaucoup de jeunes migrants non accompagnés ne sont ni assistés ni mis à l’abri par les autorités. "Ils sont là, dans nos rues, dans nos gares, sous nos yeux, de plus en plus nombreux. Ils nous demandent protection. Mais  80% d’entre eux sont rejetés par le Dispositif des Mineurs Isolés Etrangers (DEMIE) parce qu’ils ne peuvent pas faire preuve de leur minorité. Pire, quelque fois, leur situation n’est même pas évaluée. Ils sont jetés à la rue. C’est insupportable et inhumain, surtout quand il fait des températures négatives. Sans oublier que leur vulnérabilité leur fait courir des dangers encore plus grands“, s’est alarmé l’avocate.

Un total d'au moins mille migrants dorment actuellement dehors à Paris, estiment plusieurs ONG, qui s’inquiètent de voir certaines personnes renoncer à des mises à l'abri par crainte d'une reconduite à la frontière. Dans le cadre du plan "grand froid", l'Etat a ouvert "1.435 places supplémentaires" en Ile-de-France dont "751 à Paris", selon un point fait par la préfecture de région le 8 février. Mais "comme il y a de plus en plus de campements sauvages, les gens n'ont pas forcément accès à l'information", souligne Corinne Torre, responsable de la mission France de Médecins sans Frontières (MSF), pour qui "le durcissement de la politique envers les migrants fait aussi que de plus en plus de personnes se cachent".