Un anti-inflammatoire révolutionnaire à base... de fil chirurgical

Le fil chirurgical résorbable (utilisé pour réaliser certains points de sutures) n'a pas fini de sauver des vies. En cherchant à associer des particules de ce matériau à des globules blancs, afin de suivre leur dispersion en cas d'infection, des chercheurs australiens ont découvert que celles-ci engendraient une puissante réaction anti-inflammatoire. Un phénomène qui pourrait être mis à profit pour traiter de nombreuses pathologies.

Florian Gouthière
Rédigé le , mis à jour le
Un anti-inflammatoire révolutionnaire à base... de fil chirurgical

"Nous cherchions à tracer un certain type de globules blancs, qui affluent vers le cerveau lorsque celui-ci est infecté par des flavivirus(1)", nous explique Daniel Getts, l'un des auteurs de la découverte. L'une des expériences consista à charger électriquement des résidus de fils de suture biodégradables - un matériau absolument sans danger pour l'organisme.

Seulement voilà : il n'y avait plus rien à observer, 60% des souris refusant de mourir des suites des réactions inflammatoires normalement provoquées par le flavivirus.(2)

"Nous avons donc conclu que ces particules avaient un potentiel anti-inflammatoire", commente Daniel Getts. A l'issue de plusieurs séries d'expériences, les scientifiques furent stupéfaits de constater que les cellules immunitaires qu'ils ciblaient... s'attaquaient avec énergie et voracité au traceur, bien inefficace.

Diminuer les séquelles des crises cardiaques

Il existe de nombreux cas dans lesquels il est impératif de réduire, voire d'empêcher l'inflammation des tissus. Les cellules immunitaires étudiées par l'équipe australienne ne sont d'ailleurs pas simplement responsables de l’inflammation des zones cérébrales infectées par les flavivirus : elles sont également connues pour être responsables "malgré elles" d'une complication majeure de la crise cardiaque.

En effet, après une telle crise, la plupart des dommages au muscle cardiaque est causée par ces cellules immunitaires qui se précipitent sur ​​les tissus appauvris en oxygène... pour les éliminer.

Jusqu'à présent, aucun traitement ne permettait de prévenir la prolifération de ces "nettoyeurs" sur ces sites très sensibles. Les chercheurs ont donc cherché à savoir si une partie des cellules immunitaires, en chemin vers le cœur, préféreraient s'attaquer aux microparticules, si celles-ci étaient injectées dans le sang juste après une attaque.

A l'issue d'une expérimentation sur des souris (et une sélection plus fine des particules "appréciées" par le système immunitaire), les scientifiques ont validé cette hypothèse. Après avoir combattu contre ce chiffon rouge, les fameuses cellules ont été évacuées dans l’organisme et éliminées.

"Résultat : la taille des lésions cardiaques est diminuée de moitié chez les animaux ainsi traités, leur cœur pouvant ultérieurement pomper beaucoup plus de sang", se félicite Daniel Getts.

Des essais cliniques d'ici à fin 2015

Selon le chercheur, chez l'homme, une injection de ces microparticules dans les 24 heures suivant une attaque cardiaque pourrait aboutir à des résultats similaires.

Une nouvelle série d'expériences a permis aux scientifique de démontrer que cette stratégie pouvait s'avérer efficace, chez la souris, pour diminuer les réactions inflammatoires associées à différentes maladies (encéphalomyélite auto-immune(2), péritonite, encéphalites liées aux flavivirus...).

Le composé biocompatible et biodégradable au cœur de cette découverte étant déjà approuvé par de nombreuses autorités sanitaires pour divers usages, l'équipe australienne espère recevoir rapidement (moins de deux ans) l'autorisation de réaliser des essais cliniques d'envergure chez l'homme. 

---
(1) Les flavivirus est une famille de virus comptant notamment dans ses rangs les virus de la dengue, de la fièvre jaune et de l’encéphalite japonaise.
(2) En cas d’infection par certains flavivirus, certains dommages au cerveau sont causés par ces cellules "inflammatoires", qui éliminent les tissus cérébraux infectés.
(3) Maladie qui présente de fortes similitudes avec la sclérose en plaques.

Source : Therapeutic Inflammatory Monocyte Modulation Using Immune-Modifying Microparticles. D.R. Getts, R.L. Terry, N.J.C. King et coll. Sci. Transl. Med. 15 janv. 2014 doi: 10.1126/scitranslmed.3007563