Faut-il craindre le réveil des virus géants ?

Il a été baptisé Mollivirus sibericum. Il s'agit d'un nouveau type de virus géant, vieux de 30.000 ans, trouvé dans le pergélisol (sols gelés en permanence) sibérien. Une étude détaillée du virus a été publiée ce 7 septembre dans les Comptes-rendus de l'Académie des sciences américaine (PNAS).

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Microscopie électronique du Mollivirus (taille réelle : 0,6 micron) - © IGS CNRS/AMU
Microscopie électronique du Mollivirus (taille réelle : 0,6 micron) - © IGS CNRS/AMU
Microscopie électronique à balayage des particules des 4 familles de virus géants désormais connues. Les plus grandes dimensions vont approximativement de 0,6 micron (Mollivirus) à 1,5 micron (Pandoravirus) - © IGS CNRS/AMU
Microscopie électronique à balayage des particules des 4 familles de virus géants désormais connues. Les plus grandes dimensions vont approximativement de 0,6 micron (Mollivirus) à 1,5 micron (Pandoravirus) - © IGS CNRS/AMU

Les virus géants, qui ont un diamètre supérieur à 0,5 micron (0,5 millième de millimètre) sont aisément visibles avec un simple microscope optique, contrairement aux autres virus. On peut aisément les confondre avec des bactéries.

Mollivirus est la quatrième famille de virus géants identifiée depuis 2003, et la troisième à avoir été découverte dans du permafrost. Cette découverte démontre que les virus géants "ne sont pas rares et sont très diversifiés", a  déclaré à l'AFP Jean-Michel Claverie, l'un des coordinateurs de l'étude.

Génome intact

L'analyse de l'ADN contenu dans l'échantillon de pergélisol a permis de confirmer la présence du génome intact de Mollivirus bien qu'à une concentration extrêmement faible.

Mollivirus sibericum possède plus de 500 gènes. Il se présente comme une coque oblongue de 0,6 micron de long. Pour se multiplier, il a besoin du noyau de la cellule hôte (ce qui n'est pas le cas d’autres virus géants déjà identifiés, qui se contentent du cytoplasme de la cellule).

"Quelques particules virales encore infectieuses peuvent être suffisantes, en présence de l'hôte sensible, à la résurgence de virus potentiellement pathogènes dans les régions arctiques de plus en plus convoitées pour leurs ressources minières et pétrolières et dont l'accessibilité et l'exploitation industrielle sont facilitées par le changement climatique", relève le CNRS dans un communiqué.

Virus endormis

Le réchauffement climatique libère en effet de plus en plus de glaces marines polaires, ce qui permet d'accéder à la Sibérie orientale et du Nord par des routes maritimes qui n'existaient pas.

"Si on n'y prend pas garde et qu'on industrialise ces endroits sans prendre de précautions, on court le risque de réveiller un jour des virus comme celui de la variole que l'on pensait éradiqués", relève M. Claverie.

Car il n’est pas très difficile de réanimer ces virus. Après avoir établi l'absence de pathogénicité de Mollivirus sibericum pour la souris et pour l'homme, ce "réveil" a pu être réalisé en laboratoire en se servant d'amibes (organisme unicellulaire) comme cellules hôte. L'an dernier, l'équipe de chercheurs qui signe l’étude avait déjà réussi à faire revivre un autre type de virus géant conservé dans le même échantillon de permafrost et nommé Pithovirus.

 

Source : In-depth study of Mollivirus sibericum, a new 30,000-y old giant virus infecting Acanthamoeba. M. Legendre et coll. PNAS, 7 septembre 2015.

Le monde scientifique, qui a longtemps pensé que les virus étaient forcément très petits et composés seulement d'une poignée de gènes, a découvert en 2003 avec surprise un premier virus géant, riche d'un millier de gènes et baptisé Mimivirus (famille des Megavirus). Une autre famille de virus géants, les Pandoravirus, avec 2.500 gènes, a été décrite dans la revue Science en 2013.