Hakim Arezki, joueur de cécifoot qui revient de loin

Hakim Arezki a perdu la vue sous les balles des forces de l'ordre algériennes. Théo Curin nous raconte l'histoire de cet homme devenu défenseur au FC Cécifoot de Précy-sur-Oise.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Hakim Arezki, est un joueur  international français de cécifoot, le foot dédié aux non-voyants. Il est à la tête d’un palmarès impressionnant : Championnat d'Europe en  2009, finaliste des  Jeux paralympiques 2012 à Londres, puis vice-champion d’Europe en Italie en 2013.

Il a aujourd’hui 37 ans mais sa vie fut une tragédie dans son pays natal, l’Algérie, plus précisément en Kabylie. En 2001 lors d’une manifestation étudiante, il a tout juste 18 ans et les forces de l'ordre tirent dans la foule à balles réelles. Il y a 127 morts ce jour-là et plusieurs milliers de blessés par balles, un carnage et Hakim est touché. 
​Une balle explosive est entrée dans sa tête et a sectionné son nerf optique, une autre lui a déchiré la cheville. Il est transféré à l’hôpital où la consigne a été donnée de ne sauver aucun témoin et de laisser mourir les blessés. 

  • Son père qui habite en France, décide de le rapatrier clandestinement

Un long calvaire débute pour lui, la balle est encore logée dans sa tête, il a plus de deux heures de vol et des douleurs insupportables. La pression de l’altitude le contraint à se maintenir assis alors qu’il n’a plus aucune force. Il perd connaissance à plusieurs reprises et son père doit le réanimer. Il n’a eu qu’une seule fois envie de mourir, c’était à ce moment-là.  

  • Il est rapidement pris en charge à son arrivée en France  

Il est attendu à l’aéroport et est aussitôt transporté à l’hôpital où il peut enfin s’allonger sur un brancard. Le jeune homme a perdu la vue, il ne comprend pas un mot de français et le seul lien qui le retient à la vie, c’est son père. Durant trois mois, coupé de tout contact et plongé dans le noir, il dit avoir eu le sentiment d’être mort, comme s’il errait dans un autre monde, en route vers le paradis.  

  • Il commence un long travail de rééducation 

Durant plus de 6 mois, dans un centre de Marly-le-Roi, dans les Yvelines, Hakim prend peu à peu conscience de sa cécité. Il entre par la suite à l’Institut des jeunes aveugles de Paris. Entre temps, il décide de retourner en Algérie pour retrouver une partie de sa famille. Il est heureux de retrouver les siens et c’est en même temps très difficile car il découvre pour la première fois les endroits qu’il aimait dans le noir. Son père le convainc qu’il n’aura pas une vie facile dans son pays et Hakim, même si c’est un déchirement, décide de repartir en France. 

  • Il s’initie au foot… 

Comme beaucoup de gamins, la première chose qu’il faisait en sortant de l’école c’était d’aller jouer au foot avec ses copains. 
Ça tombe bien car son centre sensibilise particulièrement les patients aux vertus du sport. En même temps, qu’il apprend le braille et le français, il s’initie au cécifoot, une adaptation du football qui se joue 5 contre 5, 4 joueurs de champ non voyants et un gardien voyant. 

Il y a également un préposé au guidage, qui se trouve derrière le but adverse et indique à l'attaquant la position de la cage. Les joueurs peuvent repérer le ballon  au bruit émis par les grelots qu'il contient. Tous ont les yeux bandés, d’une part pour assurer une stricte égalité en cas de présence chez certains d’une vision résiduelle.  

  • Il doit tout réapprendre

Hakim se sent d'abord terriblement frustré car ses sensations ont changé, il a perdu ses capacités et ses repères de voyant mais, en même temps, il est heureux de retrouver le contact avec le ballon. Sur le terrain, il n’a plus de canne, plus de murs, plus d’obstacles mais un sentiment de liberté. 

  • Il se prend de passion pour la musique

Son père lui a offert une guitare pour passer le temps et il lui apprend deux ou trois accords. Hakim a même composé deux albums, il a également travaillé plusieurs années en tant qu'accordeur de pianos. 

  • Doué au foot, il se fait repérer… 

Il a rejoint plusieurs clubs (aujourd’hui il joue pour le club de Précy-sur-Oise). Il se qualifie pour les championnats de France. Plus que les médailles, ce qu’il aime dans ce sport, c’est l’esprit de partage. Privé des siens, il s’est trouvé une autre famille, sur et en dehors des terrains. Il dit être comblé par ce rapport humain qui va bien au-delà de la pratique sportive.  

  • Qu'est-ce que cette pratique lui apporte  ?  

Cette pratique l'aide à progresser dans son autonomie. Sur le terrain, il est en prise d’informations permanente et doit se focaliser uniquement sur les sources sonores importantes. Il retranscrit cette concentration dans la vie courante et cela facilite ses déplacements. Le cécifoot lui procure un réel épanouissement et lui permet de repousser ses limites physiques et mentales. Aujourd’hui, et surtout en cette année olympique, il s’entraîne tous les jours. On saura s’il est sélectionné en Juillet. 

  • "Ambassadeur francilien de l'Olypisme et du Paralympisme"

La Région Ile-de-France apporte une aide financière à des athlètes franciliens de haut niveau pour transmettre les valeurs de l’olympisme et du paralympisme. Il a déjà mené une opération de sensibilisation auprès des jeunes joueurs du PSG, les U17, avec le soutien des stars du club de Rabiot et de Mbappé. Il se rend aussi dans les écoles pour faire de la sensibilisation et aimerait davantage toucher les entreprises car il s'y connaît en esprit d’équipe et dépassement de soi.  

  • Du côté de sa vie personnelle   

Il s’est marié en 2018 avec une jeune femme originaire comme lui de Kabylie qui vit en France. Il est très courageux, et n’a aucune colère en lui, il n’en veut pas à la vie. Ce qui est beau c’est qu’en se battant, il fait un pied de nez à ceux qui ont voulu le tuer. Cette revanche est magnifique. Il ne cesse de rendre hommage à la France et dit que l’Algérie l’a mis au monde et que la France lui a sauvé la vie. Hakim Arezki est un véritable héros !