Sixième greffe de rein pour une Française atteinte d'une maladie rare

A 46 ans, une patiente française atteinte d'une maladie génétique rare détruisant ses reins vient de bénéficier d’une sixième greffe. Une décision médicale exceptionnelle justifiée par la récente mise sur le marché d’une molécule capable de combattre cette pathologie. Nous sommes allés à la rencontre de la patiente et de ses médecins. Le reportage sera diffusé aujourd'hui, à 13h40, dans "Le magazine de la santé", sur France 5.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Entretien avec le Pr Christophe Legendre, néphrologue, et avec le Pr Arnaud Mejean, urologue
Entretien avec le Pr Christophe Legendre, néphrologue, et avec le Pr Arnaud Mejean, urologue

Anne Molmy est atteinte de la forme héréditaire du syndrome hémolytique et urémique (SHU - Voir encadré), une maladie génétique très rare caractérisée par l’occlusion de petits vaisseaux - en particulier ceux du rein, ce qui conduit progressivement à la destruction de l’organe, et à une insuffisance rénale terminale. A l'âge de 4 ans, les médecins se résignent à prélever ses reins, et la placent sous hémodialyse.

Ces séances d’épuration du sang sont extrêmement mal vécue par l'enfant, lui causant crampes paralysantes, nausées et grande fatigue. Rapidement, Anne bénéficie d’une greffe.

Mais rapidement, l’anomalie génétique qui touche son système immunitaire prend pour cible le nouveau rein, qui cesse de fonctionner. De nouvelles greffes seront tentées, mais celles-ci se solderont chaque fois, à court ou moyen terme, par le rejet du greffon.

Sceptiques sur les chances de succès, les médecins d’Anne tentèrent au milieu des années 2000 une cinquième greffe. Huit ans après cette intervention, son système immunitaire rejette de nouveau l’organe.

Anne sait qu’une sixième greffe est très peu probable, sa seule perspective étant le retour aux dialyses qu’elle tolère si mal. Mais quelque chose a changé, en huit ans : un anticorps du nom d’eculizumab (commercialisé sous le nom de Soliris®) a vu le jour.

Comment la "crise du concombre" a rendu possible cette sixième greffe

D’une efficacité démontrée pour le traitement d’une forme rare d’anémie (l'hémoglobinurie paroxystique nocturne, ou maladie de Marchiafava et Michelli) ; cette molécule a été expérimentée en 2011 pour les formes bactériennes du SHU suite à une épidémie à l’échelle européenne (crise dite du "concombre espagnol"). Les succès thérapeutiques alors obtenus ont conduit l’année suivante à une autorisation de mise sur le marché pour le traitement des SHU. Mais ce médicament, qui inhibe l’activité de certaines protéines du système immunitaire, ne peut être utilisé que dans des cas très particuliers, car il s’agit d’un des traitements les plus chers au monde (plus de 350.000 euros par an).

La situation d’Anne est jugée suffisamment critique pour que l’expérience soit tentée. Elle vient donc de bénéficier d’une sixième greffe.

L’opération s’est avérée particulièrement complexe, le nouvel organe ne pouvant pas être raccordé aux mêmes vaisseaux que les fois précédentes. Le professeur Arnaud Méjean, qui a réalisé l’opération, a dû placer ce rein à l’intérieur de l’abdomen, "complètement à l’envers" par rapport à la position normale d’un rein.

"Il y a une très forte probabilité pour que la maladie ne récidive pas sur le greffon d’Anne", juge le docteur Franck Martinez, néphrologue à l’Hôpital Necker. "On peut espérer que sa greffe dure très longtemps, plusieurs décennies, ce qu’on lui souhaite !"

"La vie est tellement belle", nous a confié Anne Molmy après son opération, "et quand vous êtes en dialyse, vous ne pouvez rien faire… La greffe, pour moi, c’est vivre."

Anne Molmy souffre d’une forme héréditaire du syndrome hémolytique et urémique (SHU), pathologie caractérisée par une destruction des globules rouges (anémie hémolytique), une diminution du taux de plaquettes (thrombopénie), et surtout une atteinte potentiellement grave de la fonction rénale. La forme la plus courante de ce syndrome est liée à des infections de type bactérien, mais dans 5% des cas, les symptômes découlent d’anomalies génétiques multiples.