Xénogreffes : des babouins vivent deux ans et demi avec des coeurs de porcs

Ce n’est pas la première fois que des greffes de cœurs de porc sont réalisées chez des babouins, mais la durée de survie des greffons est ici exceptionnelle : deux ans et demi. Cette avancée dans le domaine de la greffe entre différentes espèces, décrite ce 5 avril dans la revue Nature Communications, pourrait un jour bénéficier aux humains.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Image d'illustration : un babouin (Papio anubis) / cc-by-sa Yathin S. Krishappa
Image d'illustration : un babouin (Papio anubis) / cc-by-sa Yathin S. Krishappa

Dans l'étude, cinq babouins ont reçu un cœur de porc et les organes implantés ont survécu aussi longtemps que les bénéficiaires ont été maintenus sous traitement immunosuppresseur – jusqu'à 945 jours – battant les records précédents dans ce type de greffes.

Dans cette expérience, les cœurs greffés n'ont pas remplacé ceux des singes, mais ont été connectés au système circulatoire par deux gros vaisseaux sanguins dans l'abdomen de babouin. Le cœur transplanté battait comme un cœur, tandis que le cœur du babouin poursuivait sa fonction de pompage du sang, selon un procédé courant dans l'étude de rejet d'organe.

Actuellement, le principal obstacle aux xénogreffes (transplantations d'organes entre différentes espèces, NDLR) est la forte réaction immunitaire du receveur, qui entraîne l'échec de la greffe par le rejet de l'organe transplanté. Dans l’étude du NHLBI, les organes provenaient de porcs génétiquement modifiés afin d'obtenir un certain degré de tolérance immunitaire chez les babouins bénéficiaires. Les chercheurs ont également ajouté une marque génétique humaine sur les cochons afin d'aider à la prévention de caillots sanguins. La procédure a également impliqué l’emploi de traitements immunosuppresseurs ciblés.

"[Ces résultats sont] très importants, car cela nous rapproche un peu plus de l'utilisation de ces organes chez l'homme", estime dans un échange avec la presse Muhammad Mohiuddin du National Heart, Lung and Blood Institute (NHLBI), co-auteur de l'étude parue ce 5 avril dans la revue Nature Communications. "Les xénogreffes pourraient sauver des milliers de vies perdues chaque année en raison d'une pénurie d'organes humains destinés à la transplantation".

Un cœur de porc sur l’homme ?

Des tentatives de greffe d'organes de primates (foie, cœur...) sur des humains ont été faites mais avec des survies ne dépassant pas quelques mois au mieux.

Les singes étaient considérés au départ comme les meilleurs donneurs potentiels en raison de leur proximité génétique avec l’être humain. Mais il n'y a pas de larges ressources de singes en captivité, certains sont en danger – notamment les chimpanzés –  et ils représentent un risque de transmission de maladies aux humains, du fait même de cette proximité.

De ce fait, les cochons sont devenus de meilleurs donneurs potentiels. Leurs cœurs sont anatomiquement similaires aux nôtres et ils grandissent vite.

Toutefois, il reste à tester le traitement dit "immuno-modulateur" concocté par les chercheurs, permettant le remplacement pur et simple du cœur du babouin par celui d'un porc génétiquement modifié.

 

Étude : Chimeric 2C10R4 anti-CD40 antibody therapy is critical for long-term survival of GTKO.hCD46.hTBM pig-to-primate cardiac xenograft. Muhammad M. Mohiuddin et al. Nature Communications, 5 avril 2016. doi:10.1038/ncomms11138