Euthanasie en Belgique : pourquoi les propos d'Agnès Buzyn sont faux

Lors d'une récente interview, Agnès Buzyn a affirmé qu’en Belgique, le simple fait de demander à mourir trois fois permet d’accéder à l’euthanasie. Mais ce n’est pas ce que dit la loi.

Maud Le Rest
Rédigé le , mis à jour le
"N’importe qui en Belgique qui demande à mourir, s’il le demande trois fois, peut accéder à l’euthanasie", a déclaré Agnès Buzyn
"N’importe qui en Belgique qui demande à mourir, s’il le demande trois fois, peut accéder à l’euthanasie", a déclaré Agnès Buzyn

"N’importe qui en Belgique qui demande à mourir, s’il le demande trois fois, peut accéder à l’euthanasie, même s’il n’est pas malade ou s’il n’a pas de pathologie incurable" a déclaré la ministre de la Santé Agnès Buzyn le 23 septembre sur Franceinfo. Quatre jours plus tard, l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) a réagi sur Twitter en qualifiant ces propos de "tissu de mensonges". Et pour cause : même si certains experts estiment que la loi belge sur l’euthanasie n’est pas assez claire, celle-ci n’est pas aussi permissive que ce qu’avance Agnès Buzyn.

Depuis 2002 en effet, en Belgique, selon la "Loi relative à l’euthanasie", tout patient qui désire être euthanasié doit, au moment de la demande, "être capable d’exprimer sa volonté et conscient", "se trouver dans une situation médicale sans issue" et "faire état de souffrance physique et/ou psychique constante, insupportable et inapaisable". Cette souffrance doit en outre résulter "d’une affection accidentelle ou pathologique grave ou incurable". La loi précise également que la demande d’euthanasie doit "être faite de manière volontaire, réfléchie, répétée et sans pression extérieure". Dès que cette demande est prononcée, trois médecins, dont au moins un psychiatre, ont entre 8 et 12 mois pour donner leur avis.

Comme expliqué sur le site des Etats généraux de la bioéthique, l’euthanasie "est un acte destiné à mettre délibérément fin, à sa demande, à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable". On distingue l’euthanasie active (un tiers administre une substance létale) de l’euthanasie passive (on renonce aux traitements). En Belgique, l’euthanasie active est dépénalisée.

Depuis 2014 par ailleurs, en Belgique, les mineurs peuvent également demander à être euthanasiés, à condition d’être "dotés de la capacité de discernement", de "faire état de souffrances physiques" et d’être "dans une situation médicale sans issue entraînant le décès à brève échéance". Les représentants légaux du patient mineur doivent être en accord avec cette demande.

Il est donc erroné d’affirmer que "n’importe qui" en Belgique peut accéder à l’euthanasie si la demande est répétée trois fois. Néanmoins, des praticiens dénoncent une définition trop floue des notions de "situation médicale sans issue" et de "souffrance psychique", ce qui entraînerait des dérives. Dans un billet de blog Mediapart, le psychologue belge Francis Martens évoque notamment "l’accroissement des euthanasies pour « fatigue de vivre » chez des personnes âgées qui considèrent – non sans raison – que leur vie n’est plus une vie. Non point tant en raison d’une invalidité insupportable que pour des raisons sociétales de relégation en marge du tissu social".

Si on ne peut confirmer cet "accroissement", les chiffres de la Commission belge de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie montrent qu’un petit nombre de personnes qui demandent à être euthanasiées changent finalement d’avis. Chaque année en effet, environ 50 personnes obtiennent le droit d’être euthanasiées pour soulager des souffrances psychiques - ce qui représente près de 3% des cas recensés - et, parmi elles, la moitié finissent par renoncer. D’où un besoin de préciser les contours de la loi en vigueur. "Nous devons être très vigilants. Une souffrance psychique insupportable est plus complexe à qualifier qu’une souffrance physique en phase terminale", indiquait en 2015 le Pr de psychiatrie Dirk De Wachter dans le quotidien flamand De Morgen (d’après une traduction du Monde).

En France, la loi Claeys-Leonetti confère au patient "en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable" le droit de refuser ou d’arrêter les traitements, voire de bénéficier d’une sédation profonde et continue. Pour le gouvernement, il n’est pas question de revenir sur ce texte. Le Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) a par ailleurs estimé le 25 septembre qu’il fallait maintenir l'interdiction de l'euthanasie. Selon le CCNE néanmoins, la loi Claeys-Leonetti est peu connue et appliquée de manière inégale en fonction des services, d’où un besoin de mettre en place un nouveau plan de développement des soins palliatifs.