Hospitalisation à domicile : des économies pour la Sécu

Le projet de budget 2017 pour la Sécurité sociale, adopté en première lecture à l'Assemblée début novembre 2016, fait une large place à l'ambulatoire. Mais il existe un autre levier pour faire faire des économies à l'Assurance maladie tout en améliorant le confort des patients : il s'agit de l'hospitalisation à domicile (HAD).

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Chronique de Maroussia Renard du 29 novembre 2016
Chronique de Maroussia Renard du 29 novembre 2016

L'hospitalisation à domicile (HAD) est une forme d'hospitalisation à part entière. Elle s'adresse aux patients qui ont besoin de soins aussi lourds et complexes que ceux dispensés dans un hôpital classique. Mais ces patients restent chez eux. L'hospitalisation à domicile n'est évidemment pas une solution pour tout ce qui relève de l'urgence, de la chirurgie ou de la réanimation. En revanche, l'HAD est envisageable pour quasiment tout le reste : les patients qui ont une grosse infection avec plusieurs perfusions par jour, les soins palliatifs, la chimiothérapie, la rééducation ou encore le suivi d'une grossesse à risque, etc.

L'hospitalisation à domicile n'a rien à voir avec des soins infirmiers à domicile ou un système de garde-malade. L'hôpital se déplace à la maison avec les mêmes exigences de permanence des soins : un médecin ou une infirmière peut intervenir 24 heures sur 24 et une équipe pluridisciplinaire se relaie au chevet du patient : médecins, kinés, psychologues, diététiciennes, etc.

L'hospitalisation à domicile, une solution plus économique ?

La HAD concerne une infime minorité de patients. En 2015, 105.000 patients ont bénéficié d'une hospitalisation à domicile en France, soit moins de 1% des hospitalisations alors que dans certains pays comme l'Espagne ou l'Australie, elle atteint 5%. La France aimerait rattraper son retard pour des raisons essentiellement économiques.

Et pour cause, une journée d'HAD coûte en moyenne 198 euros contre 703 euros pour une journée à l'hôpital (soit 3,5 fois moins cher). Et pour le patient, la prise en charge par l'Assurance maladie est exactement la même. Si l'HAD est moins coûteuse, cela ne signifie pas pour autant qu'il s'agit d'une hospitalisation au rabais. La réglementation est la même qu'à l'hôpital, mais on soigne le patient directement chez lui, il n'y a donc pas de bloc opératoire ou de plateau technique à rentabiliser. Il n'y a pas le coût du foncier et il y a beaucoup moins de frais de structure. En HAD, la charge fixe la plus importante concerne la voiture qui permet aux soignants de se rendre chez le malade.

Si l'hospitalisation à domicile est plus économique, il est aussi plus confortable de pouvoir être soigné à la maison. Des enquêtes qui ont été menées sur des malades du cancer qui bénéficient d'une chimiothérapie à domicile montrent que l'HAD a un impact positif sur le moral des patients notamment parce que cela évite de nombreux déplacements, donc il y a moins de fatigue. L'hospitalisation à domicile permet aussi d’échapper aux désagréments de l'hôpital. Elle a donc tout pour plaire.

Mais il existe tout de même une contrepartie : les proches sont très sollicités et dans certains cas, par exemple pour un malade en soins palliatifs, cela peut être très lourd. Avant de mettre en place une HAD, une visite au domicile du patient est systématiquement réalisée et si les aidants sont considérés comme pas suffisamment en forme ou disponibles, l'admission en HAD est refusée. Mais souvent, ce n'est qu'au bout de quelques jours que les proches s'épuisent. Or, une HAD dure en moyenne 25 jours et pour certaines pathologies, elle peut aller jusqu'à trois mois… Un des points essentiels pour favoriser le développement de l'hospitalisation à domicile est donc de mettre en place des solutions pour soutenir les aidants comme par exemple, pouvoir être remplacé certaines nuits par un garde malade, ce qui n'est pas possible aujourd'hui.

Encourager l'hospitalisation à domicile

Pour encourager le développement de l'HAD, il faut d'abord en parler. La majorité des patients ne connaissent pas l'hospitalisation à domicile et de nombreux soignants ne savent pas exactement comment fonctionne l'HAD donc ils ne pensent pas à la proposer à leurs patients. Pendant les études de médecine, l’HAD est rarement évoquée.

Il existe aussi des freins plus insidieux. La majorité des HAD sont prescrites par les médecins hospitaliers, or dans certains cas, ils hésitent pour des raisons financières. Depuis la mise en place de la T2A (tarification à l'activité), certains patients sont plus rentables que d'autres pour l'hôpital. On a donc tendance à vouloir les garder.

Il arrive aussi à des structures d'HAD de refuser des patients pour des raisons financières. Les structures d'HAD sont en effet elles aussi soumises à des impératifs économiques. Et les tarifs de l'hospitalisation à domicile sont totalement obsolètes. Ils ont été fixés à partir d'études de coûts réalisées il y a 17 ans et n'ont jamais été réévalués. Or, depuis cette époque, tout a augmenté : les charges, le salaire des infirmières, le carburant et aussi le prix de certains médicaments. La conséquence, un patient qui a un traitement très coûteux (anticancéreux, certains antibiotiques...) peut être refusé par l'HAD parce que ça lui coûtera plus cher que le forfait qui lui est versé par la Sécu pour chaque patient. On est donc dans une logique où les structures d'HAD privilégient les prises en charge les plus simples au détriment de celles qui pourraient être développées pour des raisons strictement médicales ou dans l'intérêt du patient…

Une des solutions pour en finir avec ces aberrations consiste à revoir le système de financement de l'HAD. Le gouvernement a promis une réforme pour 2018 mais elle ne devrait pas arriver avant au moins 2020. En attendant, on garde à l'hôpital des patients qui pourraient très bien rester chez eux et surtout qui préfèreraient rester chez eux. L'exemple le plus marquant étant celui des soins palliatifs. La dernière enquête réalisée par l'Observatoire de la fin de vie montre que 80% des Français souhaitent mourir chez eux. Mais dans les faits, 80% des Français finissent leurs jours à l'hôpital…