Feuilles de soins papier : une pratique trop coûteuse

Feuilles de soins, arrêts de travail... Les pouvoirs publics veulent en finir avec la paperasse en passant au tout numérique. Une décision qui permettrait de réaliser d'importantes économies.

Maroussia Renard
Rédigé le , mis à jour le
La dématérialisation des feuilles de soins est une des priorités de la convention qui sera prochainement signée entre l'Etat et la Sécu - Chronique de Maroussia Renard du 20 février 2017
La dématérialisation des feuilles de soins est une des priorités de la convention qui sera prochainement signée entre l'Etat et la Sécu - Chronique de Maroussia Renard du 20 février 2017

L'objectif "zéro papier" avait été fixé dès l'arrivée de la carte vitale il y a maintenant vingt ans. Aujourd'hui, pour les feuilles de soins stricto sensu, nous n'en sommes pas loin : 94% des dossiers sont télétransmis par les médecins contre 6% de feuilles de soins papier (ce qui représente tout de même 82 millions de feuilles par an).

En revanche, pour les formulaires d'arrêts de travail, la dématérialisation n'est pas encore entrée dans les moeurs. Les médecins peuvent pourtant les transmettre à la Sécu directement par Internet. Seuls 30% des avis d'arrêts de travail sont faits en version numérique. Il y a donc encore une grosse marge de progression avec, à la clé, de belles économies.

Dématérialisation : un gisement d'économies pour la Sécurité sociale

Tout ce papier coûte très cher. Par exemple, le traitement d'une feuille de soins classique coûte 1,60 euro contre 11 centimes pour la version électronique, soit quinze fois plus cher ! Pour comprendre la différence, il faut suivre le parcours de ce papier. Tout commence dans une boîte aux lettres, les courriers que vous envoyez à la Sécu sont ensuite ouverts par un automate. Ensuite, un opérateur prend le relais pour trier manuellement les feuilles en fonction de la demande : feuilles de soins, déclarations de médecin traitant, avis d'arrêt de travail...

Une fois triées, ces pages sont numérisées. Problème, les médecins ne sont pas réputés pour la qualité de leur écriture. Si la feuille est illisible ou non conforme (il manque la signature de l'assuré ou le numéro de Sécu), elle est rejetée. Dans ce cas, retour à la case départ où la feuille est traitée manuellement par un agent. Cette procédure mobilise des centaines de salariés à la Sécurité sociale. Résultat, on estime que si on passait à 2% de feuilles de soins papier, 296 millions d'euros pourraient être économisés.

Dématérialisation : des procédures simplifiées pour les patients

Au-delà des économies, la dématérialisation permet surtout de simplifier la vie des patients. Quand le médecin télétransmet la feuille de soins ou l'avis d'arrêt de travail à la Sécu à la fin de la consultation, les délais de remboursement ou de versement des indemnités journalières sont raccourcis. Le traitement d'une feuille de soins papier prend en moyenne 14,5 jours alors que si elle est télétransmise, le traitement est réduit à 3 jours.

Autre avantage : le patient n'a plus à payer de timbre pour envoyer les papiers à la Sécu. Et pour les arrêts de travail, la dématérialisation limite les risques de refus car ces avis doivent être envoyés à la Sécu dans un délai de 48 heures maximum. Or, beaucoup d'assurés l'envoient trop tard. Résultat : le versement de leurs indemnités journalières est refusé ou suspendu. Toutefois, quand un médecin rédige un avis de travail en ligne, le patient doit tout de même envoyer un papier, le volet 3, à son employeur.

Des médecins réticents à la télétransmission

Les médecins ne sont pas les seuls responsables. Il arrive souvent qu'un médecin soit obligé de faire une feuille de soins papier parce que son patient a oublié sa carte vitale ou ne l'a pas mise à jour. Certains médecins refusent aussi le principe de la facturation électronique. Des médecins âgés et proches de la retraite ont du mal à abandonner le papier et le stylo. Il existe aussi  des raisons techniques, certains médecins trouvent en effet qu'il est trop compliqué de s'équiper du matériel et du logiciel nécessaire pour la télétransmission. Mais cet argument ne semble pas très valable parce que cela n'est pas si compliqué techniquement et il existe des incitations financières. La télétransmission fait partie des indicateurs d'une prime qui est versée chaque année par la Sécu aux médecins pour valoriser l'effort d'équipement des cabinets médicaux.

Les réticences à la dématérialisation sont plus importantes pour les arrêts de travail. Sans doute parce que les médecins sont farouchement attachés à leur indépendance et qu'ils y voient une intrusion de plus dans leur pratique. Par exemple, sur un arrêt de travail en ligne, la case "motif" peut poser problème car le médecin est obligé d'indiquer un diagnostic très précis pour valider l'envoi. Sur les avis papier, c'est pareil mais certains médecins ne le remplissent pas, souvent à la demande du patient qui n'a pas forcément envie que son employeur sache qu'il est arrêté pour dépression ou une IVG par exemple. Or, sur papier, si le motif n'est pas inscrit ou s'il est très flou, cela peut passer. S'il s'agit d'un avis en ligne, c'est en revanche impossible.

La télétransmission laisse donc moins de latitude aux médecins. Autre source de réticence : dans les arrêts en ligne, il y a des durées indicatives en fonction du motif. Certes, ces informations sont indicatives, mais un médecin qui accorde plus de jours que ce qui est préconisé peut être facilement repéré par la Sécurité sociale. La dématérialisation peut être utilisée comme un moyen de contrôle supplémentaire et cela ne plaît pas forcément aux médecins, ni aux assurés.