Informer le patient : une obligation pour le médecin ?

Tout patient doit être informé sur son état de santé, c’est ce qu’on appelle l’obligation d’information du patient. De quelles informations peut-on disposer ? Comment ces informations sont-elles communiquées ? A-t-on droit à un second avis ? Dans quels cas un médecin est-il dispensé d’informer ? Des questions auxquelles Maître Brigitte Bogucki répond.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Dans le cadre des procédures de divorce par exemple, l’état de santé des époux est un des éléments dont la Loi tient compte pour la détermination de certains droits. C’est le cas par exemple de la prestation compensatoire c’est-à-dire la somme qu’un époux va percevoir de l’autre, après le divorce, pour compenser, dans la mesure du possible, la disparité financière existant entre eux du fait du divorce. La Loi précise en effet que pour l’évaluation de cette prestation compensatoire, le juge doit prendre en compte notamment l’état de santé des époux. 

Si par exemple au cours de la procédure de divorce, une personne s’est vu diagnostiquer une maladie. Cette maladie peut affecter sa capacité à travailler sous stress et donc son évolution professionnelle. Cela a un impact sur les sommes qu’il est censé verser à sa future ex-épouse suite au divorce. 

Il faut aller voir son praticien afin d’être pleinement informé et avoir les éléments pour informer le juge. Trop souvent les personnes ignorent qu’elles peuvent le faire, limitant leurs demandes à des actes médicaux. 

Un malade peut-il avoir un consentement éclairé s’il n’est pas informé ? 

C’est une obligation légale du médecin puisque l’Article R4127-35 du code de la santé publique le prévoit et ce texte est repris à l’article 35 du code de déontologie médicale.  

" Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension." 

Il est d’ailleurs cohérent que ce soit une obligation du soignant puisque le malade doit consentir aux soins or ce consentement, selon la formule consacrée, doit être libre et éclairé. 

Une information loyale, claire et appropriée    

Une information loyale veut dire que le médecin doit impérativement informer le malade complètement, il ne doit pas mentir ou dissimuler (sauf exception dues aux troubles mentaux par exemple). Il doit donner au patient tous les éléments qui lui permettront de faire un choix, lui expliquer les différentes possibilités qui s’offrent à lui et les conséquences de chacune afin qu’il puisse être complètement informé. 

Le fait que l'information soit claire et appropriée est fondamental. Il s’agit ici pour le médecin d’avoir l’obligation de s’adapter aux capacités de compréhension de son patient. Plus question de "jargonner" avec des termes médicaux incompréhensibles ou de toiser son patient par un vocabulaire trop recherché.  

Cette attitude, commune d’ailleurs à de nombreuses professions spécialisées de se positionner en se sachant supérieur est devenue inacceptable aujourd’hui et surtout elle est clairement illégale pour les médecins. Ils doivent vulgariser. 

Les médecins doivent s’adapter aux capacités intellectuelles et à la situation socio-culturelle de leur patient afin de faire passer le message le plus clairement possible, le but étant d’être compris et que le patient soit éclairé. 

Quelles informations doivent être données ?

Globalement, toutes les informations permettant au patient de connaître précisément son état et l’évolution probable, de déterminer l’ensemble des solutions possibles et leurs conséquences, les risques, le degré d’urgence… 

Ainsi le patient doit être informé non seulement du diagnostic mais des conséquences de sa maladie, des évolutions de celle-ci, même à relativement long terme. Ainsi doit-on informer un jeune qui subit un accident de ski avec entorse du genou qu’il y a de fortes probabilités qu’il développe dans le futur une arthrose du genou. C’est lointain, mais cela permettra qu’il en tienne compte dans sa vie. 

De même le médecin doit informer le patient de la pathologie et des différentes possibilités qui lui sont ouvertes pour y faire face, en ne se limitant pas à une solution s’il en existe d’autres. Le choix appartient au patient. 

Le médecin doit évidemment informer clairement le patient sur l’urgence de ses choix et les conséquences s’il ne se soigne pas. 

Les risques sont aussi impérativement à expliciter. Selon la Loi le médecin doit informer le patient des risques fréquents, graves ou normalement prévisibles même s’ils sont exceptionnels, c’est l’article L1111-2 du code de la santé publique qui le dit. 

Il s’agit de tous les risques. Que ce soient les risquent inhérents aux traitements, aux anesthésies, aux gestes chirurgicaux, aux implants ou prothèses... Si suite à un acte médical ou à une intervention un nouveau risque apparait, vous devez être informé(e). 

Quand cette information doit-elle être donnée  ? 

Cette information doit toujours être donnée, sauf en cas d’urgence absolue, d’impossibilité, de refus d’être informé du patient. 

A qui cette information doit être donnée  ? 

  • Au patient lui-même.  
  • A la personne de confiance.  
  • Aux parents pour un mineur ou un majeur sous tutelle (rappelons que le mineur ou la personne sous tutelle ont droit à une information adaptée à leur degré de compréhension).
  • Certaines informations peuvent être données aux proches, avec l'accord du patient.

Comment prouver qu'on n’a pas été informé(e) ? 

Il faut tout d'abord que cela ait un intérêt, il faut donc une complication, sinon cela n’a aucun sens et ne serait pas juridiquement utile. Ce n’est que lorsqu’il y a des conséquences néfastes que le problème se pose. Ainsi par exemple, si suite à une opération du genou, un patient développe un syndrome algodystrophique dont la guérison a pris des mois, l'empêchant de poursuivre normalement son activité, alors qu'il n’a pas été prévenu, il peut avoir intérêt à faire état de ce manque d’information pour obtenir un dédommagement.  

Ce n’est pas à vous de prouver que vous n’avez pas été informé, c’est au médecin de prouver, par tous moyens, qu’il vous a bien donné l’information. 

C’est pour cela qu’à la veille d’une intervention, il est le plus souvent demandé au patient de signer un document d’information. Contrairement à ce que semble croire certains médecins, c’est loin d’être la panacée car, l’information doit être claire et appropriée or par nature un formulaire n’est pas adapté à chacun, il est donc contestable. De plus la signature de ce formulaire ne saurait vous interdire de le contester.  

Condamnation à des dommages et intérêts

En cas d'impréparation et pour perte de chance, il peut y avoir des dommages et intérêts. La Cour de Cassation en a décidé ainsi par une décision du 25 janvier 2017 à l’occasion d’une affaire dans laquelle une patiente a été victime d’un AVC dans les suites d’une artériographie. Elle reprochait aux médecins de ne pas l’avoir informée de ce risque. Ils ont été condamnés pour perte de chance (elle n’a pas eu le choix de ne pas se soumettre à l’examen) et pour impréparation (car elle n’avait pas pu se préparer aux conséquences éventuelles de l’examen).

Conseil  de Me Brigitte Bogucki

N’hésitez jamais à questionner, n’ayez pas peur d’importuner ou d’avoir l’air bête. L’important est que vous compreniez et que vous puissiez faire votre choix en toute connaissance de cause.