Dépression : en Inde, une star brise le tabou

L'actrice Deepika Padukone, star de Bollywood, a récemment révélé publiquement avoir traversé une dépression après le suicide d'un de ses amis. Une manière de mettre sa célébrité au service d'une véritable urgence en Inde.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Crédit photo : ©The Live Love Laugh Foundation - Vidéo : "Dépression : en Inde, on brise le tabou", chronique de Géraldine Zamansky, journaliste, du 11 décembre 2018
Crédit photo : ©The Live Love Laugh Foundation - Vidéo : "Dépression : en Inde, on brise le tabou", chronique de Géraldine Zamansky, journaliste, du 11 décembre 2018

Si le mariage de Deepika Padukone fait actuellement la une des journaux indiens, l'actrice de Bollywood n'a pas toujours eu le visage radieux qu'elle affiche sur ses photos de mariage, partagées sur les réseaux sociaux. Deepika Padukone a en effet traversé une dépression en 2014 après le suicide d'un ami.

Quelques mois plus tard, alors qu'elle est au sommet de sa gloire, l'actrice révèle publiquement cette partie de sa vie afin de briser le silence qui entoure la dépression et la maladie mentale en général, en Inde. Face à la sensation d'impasse générée par la dépression, Deepika est aujourd'hui la preuve vivante que l'on peut s'en sortir, une source d'espoir pour des millions de personnes.

La dépression fait des ravages en Inde

Au moment du suicide de son ami, Deepika Padukone s'est informée sur la dépression et a découvert la gravité de la situation en Inde. Selon l'OMS, dans le monde, près d'un suicide sur trois a lieu dans ce pays. Avec plus d'1,3 milliard d'habitants, l'Inde devrait pourtant être en dessous de un sur cinq. Il y a donc un sur-risque considérable de suicide.

Selon Anna Chandy, la psychologue qui a aidé Deepika et qui travaille désormais dans sa fondation, l'Inde a connu des transformations phénoménales à un rythme trop brutal. Les structures sociales traditionnelles sont fragilisées par l'industrialisation, les fortes migrations vers les villes, l'émergence d'une société plus individualiste... Et chacun se trouve confronté à des pressions inédites sans y avoir été préparé. Ces nouvelles souffrances en forte croissance se heurtent au poids des croyances qui n'ont pas eu le temps d'évoluer. Il reste notamment l'idée qu'elles sont méritées, fruit d'une vie antérieure.

Changer le regard sur la dépression

Pour tenter de changer le regard sur la dépression, Deepika Padukone a créé une fondation : The Live Love Laugh Foundation (traduction : la fondation "vivre, aimer et rire"). La fondation a récemment lancé la campagne #notashamed (je n'ai pas honte). Autour du témoignage de Deepika, des anonymes osent affronter le tabou.


Retrouvez l'intégralité du témoignage de Malvika sur YouTube

En Inde, les préjugés sont nombreux. Selon Anna Chandy, psychologue de la fondation, un grand nombre de ses patients ont été victimes d'abus sexuels dans le cercle familial, avec aucune possibilité de dénoncer leur bourreau à leurs parents... et guère plus en dehors. En Inde, il y a très peu de professionnels "psy" et les enfants grandissent seuls avec leurs traumatismes.


Aujourd'hui, le taux de suicide des adolescents et des jeunes adultes atteint des records. Ils sont vraiment au coeur du paradoxe indien. D'un côté, l'emprise de la famille peut encore être très forte pour étouffer les secrets, de l'autre les réseaux sociaux créent les mêmes harcèlements extrêmement violents... Alors la fondation organise des sessions d'information dans les écoles, pour sensibiliser les enfants à ces questions, leur donner les numéros d'appel spécialisés qui se multiplient et espérer que grâce à une meilleure information sur la maladie mentale, cette génération sera à la fois plus tolérante et mieux armée pour y faire face.

Favoriser l'accès aux soins psy

Loin des paillettes de Bollywood, l'Inde traverse une crise très douloureuse aussi bien dans les villes que dans les campagne. La moitié des Indiens vivant encore de l'agriculture. Leur équilibres sociaux ont été chamboulés par le départ d'un grand nombre de jeunes vers les villes. Mais l'accès aux soins "psy" y est inexistant. Une réalité qu'essaie de modifier la fondation de Deepika en travaillant avec des ONG locales. L'idée est de former des relais au sein même des communautés, des ASHA (Accredited Social Health Activists), c'est-à-dire des acteurs de santé sociale accrédités.

Grâce à ce système, de nombreuses personnes sont aujourd'hui soignées gratuitement. Plusieurs études ont déjà montré l'efficacité de ce type de prévention et de soins. Mais face à des besoins aggravés par les récentes difficultés climatiques, tout le travail des ONG ne suffit pas à enrayer la multiplication des suicides de fermiers ces dernières années. Le gouvernement indien doit désormais se mobiliser davantage dans ce combat, où les fondations et les ONG ne peuvent pas tout faire.