Un second patient en rémission du VIH... et d'un cancer

Pour traiter un cancer du sang, l'homme a reçu une greffe de moelle osseuse avec une mutation génétique rare qui empêche le virus de s'installer à nouveau.

Maud Le Rest
Rédigé le
Un second patient en rémission du VIH... et d'un cancer

"Ca faisait longtemps que j'attendais de la compagnie", Timothy Ray Brown, seul homme à avoir guéri du sida jusqu'à présent, est heureux d'apprendre l'existence d'un nouveau porteur du VIH en rémission de longue durée, comme lui. Les experts qui ont publié l'histoire de ce patient dans la revue Nature évoquent même une "guérison" dans plusieurs interviews, selon le New York Times. Des détails supplémentaires seront révélés au cours de la semaine, à l'occasion de la Conférence sur les rétrovirus et les maladies opportunistes de Seattle.

C'est la deuxième fois qu'un tel cas est répertorié depuis le début de l'épidémie dans les années 1980. Il intervient douze ans après la première rémission de Timothy Ray.

Une greffe de moelle osseuse

Ce patient, un anonyme identifié par ses médecins comme "le patient de Londres", a reçu une greffe de moelle osseuse afin de traiter un lymphome hodgkinien. Au départ, cette stratégie n'était donc pas destinée à combattre le sida. Mais la greffe qui s'imposait face au cancer a supprimé ses propres cellules immunitaires infectées par le virus (et le cancer) et les a en plus remplacées par des cellules qui ne pouvaient pas être à nouveau contaminées. Car celles du donneur étaient porteuses d'une mutation génétique protectrice.

Après la greffe, réalisée en mai 2016, le patient a tenté d'interrompre son traitement contre le virus, en septembre 2017, et il en est depuis resté débarrassé du virus. Exactement comme Timothy Ray Brown, premier patient à avoir été déclaré guéri du VIH à la suite d'une greffe de moelle osseuse également. Autrement dit, au prix d'un traitement extrêmement lourd et risqué. Alors qu'il existe un traitement par comprimés qui permet de contrôler la quantité de virus au point de la rendre "indétectable".

Une mutation génétique rare

Les risques ont été particulièrement importants pour Timothy Ray Brown. Cet Américain de 52 ans vit aujourd'hui à Palm Springs, en Californie. Il avait été traité à Berlin pour une leucémie et avait reçu deux greffes de moelle osseuse, avec la même mutation que celle du patient de Londres. Mais ces procédures comprenaient à l'époque l'utilisation de traitements immunosuppresseurs (pour détruire sa propre moelle) très agressifs, entraînant de graves complications. Avec même un passage en coma artificiel. Son décès avait été évité de justesse. "Il a été lessivé par toute cette procédure", explique le Dr Steven Deeks, spécialiste du sida, qui a soigné l'Américain à l'époque. Mais une fois remis, Timothy Ray Brown a pu arrêter ses traitements antirétroviraux sans voir resurgir le VIH pour autant.

Jusqu'à présent, il n'avait pas été possible de répliquer ces résultats obtenus avec Timothy Ray Brown pour d'autres patients séropositifs. A chaque fois que les mêmes circonstances se produisaient, malgré une greffe de cellules "protégées contre le VIH", soit le virus réapparaissait environ neuf mois après l'arrêt du traitement antirétroviral, soit les patients décédaient de leur cancer.

Le "patient de Londres" est le premier à se rapprocher de la "victoire" de Timothy. Rien ne garantit que l'homme soit défintivement guéri, mais son cas est suffisamment similaire pour faire naître un certain optimisme, selon ses médecins. Or, il n'a pas du tout reçu des traitements immunosuppresseurs aussi lourds que son prédécesseur. 

"Cela change un peu la donne"

"Cela change un peu la donne. Tout le monde croyait qu'il fallait frôler la mort pour guérir du sida [comme Timothy Ray Brown, ndlr], mais peut-être qu'en fait, non", explique le Dr Ravindra Gupta, virologiste ayant soigné le patient de Londres. Actuellement, 38 patients infectés ayant reçu une greffe de moelle osseuse sont surveillés. Six d'entre eux ont reçu un don avec la même mutation que Timothy Ray Brown et le patient de Londres. Le 19e patient, connu sous le nom du "patient de Düsseldorf", a arrêté son traitement depuis quatre mois. Des détails sur son état de santé seront présentés à la Conférence de Seattle dans la semaine.

Même si la greffe n'est pas une solution thérapeutique envisageable en tant que telle, elle permettra peut-être d'ouvrir de nouvelles pistes pour contrer le VIH. Conscient d'être une véritable source d'espoirs, le patient de Londres se tient à la disposition de ses médecins. "Il m'incombe de les aider à comprendre comment cela est arrivé, de manière à ce qu'ils puissent poursuivre leurs recherches", a déclaré l'intéressé au New York Times. "Je n'aurais jamais pensé être guéri," a-t-il ajouté.