Covid-19 : des pédiatres s'inquiètent de l'organisation des soins pour la rentrée

Dans une lettre ouverte publiée le 19 août 2020, des pédiatres redoutent une rentrée "chaotique". Ils évoquent notamment les tests PCR inadaptés pour les enfants et l’importance de la vaccination contre la grippe et le rotavirus.

Marie Chagneau
Rédigé le , mis à jour le
Covid-19 : des pédiatres s'inquiètent de l'organisation des soins pour la rentrée
Crédits Photo : © Shutterstock / Anna Nahabed

« Ce ne sont pas les formes graves du Sars-CoV-2 chez les enfants qui nous inquiètent car elles restent rares. Chez les enfants, les décès par la grippe sont plus élevés. Ce qui nous inquiète, c’est l’organisation de la rentrée sur le plan de la prévention et de la prise en charge des enfants. » prévient Pr Elise Launay, pédiatre au CHU de Nantes.

« Pour le bien-être des enfants, il faut que l’on repense l’organisation au regard de notre expérience et des nouvelles données. Il faut une stratégie adaptée à la pédiatrie et au contexte actuel » explique la spécialiste.

Quelle stratégie pour les enfants ?

Dans une lettre ouverte publiée le 19 août 2020, des pédiatres* s’interrogent sur la stratégie de lutte contre l’épidémie. « La persistance de la circulation du virus en France accompagnée, ces dernières semaines, d’une augmentation significative du nombre de cas dans certaines régions, rend effectivement la situation délicate et nécessite d’adopter des mesures adaptées mais raisonnables et efficaces » écrivent les spécialistes.

Des tests PCR inadaptés aux enfants

 Première interrogation : les tests de diagnostic de la Covid par PCR. « La pratique des prélèvements naso-pharyngés quasi-systématiques (tels qu’ils sont recommandés aujourd’hui) chez les enfants présentant une fièvre, des signes respiratoires ou digestifs n’est pas si anodine qu’elle peut le paraître » soulignent les pédiatres.

« Ces tests invasifs ne sont pas agréables : ils sont mal vécus par les enfants, les parents et les soignants » observe le Pr Elise Launay, membre de la Société française de pédiatrie. « Il faut les faire à bon escient. Or le problème est le suivant : au cours de l’hiver, plus de 85% des enfants de moins de cinq ans vont faire un épisode viral (rhume, grippe, bronchiolite etc.), c’est-à-dire qu’ils vont présenter des symptômes qui peuvent s’apparenter à ceux du Sars-CoV-2. Est-ce que cela veut dire qu’on devra tester tous les enfants qui présentent ces symptômes ? Ce serait une mauvaise gestion des ressources !

Par ailleurs, cela n’est pas forcément pertinent » poursuit la pédiatre, « on a observé que le taux de positivité des PCR chez les enfants sans contact avec un cas avéré de Covid 19 était de 1% alors qu’il était de 10% chez les enfants avec contact avec un cas avéré de Covid 19. L’objectif de ces tests étant plus d’évaluer le risque de contagiosité que d’éliminer le diagnostic de Covid 19, nous sommes plutôt favorables à un recours en pédiatrie à des tests salivaires, même s’ils sont moins sensibles ».

Vaccination contre la grippe recommandée pour les enfants

Deuxième source d’inquiétude : la vaccination. A partir du mois d’octobre 2020, le Sars-CoV-2 va s’ajouter aux infections virales saisonnières : grippe, rotavirus, virus respiratoire syncytial (VRS). Pour ces infections, dans le contexte actuel de l’épidémie, les pédiatres recommandent de vacciner les enfants.

« Nous soutenons pleinement les prises de position de l’Académie de Médecine visant à renforcer la vaccination contre la grippe et à généraliser la vaccination contre le rotavirus des petits nourrissons » écrivent les pédiatres dans leur lettre ouverte. « Ces vaccinations des enfants contre la grippe et le rotavirus permettraient d’éviter des hospitalisations, d’avoir moins d’enfants à tester au Sars-CoV-2 (car les symptômes sont semblables), de ne pas faire des tests pour « rien » » souligne Elise Launay.

Que faire si un cas est avéré dans une école ?

Enfin, dernière inquiétude chez les pédiatres : la conduite à tenir en cas de dépistage d’un sujet atteint de Covid-19 dans une collectivité.

« A ce jour, les remontées que nous avons, sont pour le moins anarchiques : des écoles ou des crèches ont été fermées parfois en raison de la présence d’une seule personne présentant une PCR positive, voire même une sérologie positive sans PCR et avant toute enquête » écrivent les pédiatres.

« Si des stratégies claires et précises ne sont pas définies, il nous semble que la rentrée scolaire risque d’être chaotique avec des fermetures de classes voire d’écoles non justifiées par des raisons sanitaires ou épidémiologiques et dans tous les cas fortement délétères pour les enfants et leurs apprentissages ».

* Association Clinique et Thérapeutique du Val de Marne (Société Française de Pédiatrie) Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (Société Française de Pédiatrie) Groupe de pédiatrie tropicale (Société Française de Pédiatrie) Groupe francophone de réanimation et d’urgences pédiatriques (Société Française de Pédiatrie) Groupe de pédiatrie générale (Société Française de Pédiatrie) Groupe francophone de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatrique (Société Française de Pédiatrie)