L'intelligence artificielle au service des urgences médicales

Des chercheurs et des médecins expérimentent aujourd’hui des applications concrètes de l'intelligence artificielle au CHU de Bordeaux. L'objectif est d'optimiser la prise en charge des patients et de faire gagner du temps aux soignants. 

Anaïs Plateau
Rédigé le , mis à jour le

Que ce soit à l'accueil des urgences ou à la régulation du SAMU, à l’hôpital de Bordeaux, les appels et les patients s’enchainent sans interruption.

A la régulation, plus d’un demi-million d’appels sont traités chaque année. Pour chacun, l’assistant rédige un dossier avec ses observations.  

"On a vraiment quelques secondes pour noter un maximum d’informations. On ne fait pas de phrases, ce sont des mots clés en fait que nous allons tous connaître dans la salle pour pouvoir présenter notre dossier médical au médecin régulateur pour que derrière la personne puisse être sauvée", explique Alexandre Chavanel, assistant de régulation. 

Pour une prise en charge plus efficace

Dans l’urgence, les régulateurs n'ont pas le temps de classifier ou de catégoriser les motifs d’appels.
Les comptes-rendus ne sont donc pas exploités dans le détail. Une équipe de chercheurs de l’INSERM et de médecins urgentistes s'est posée la question de savoir si une intelligence artificielle pouvait faire ressortir des informations cruciales et rendre la prise en charge des patients plus efficace.

En travaillant avec une technologie récente appelée Transformer, les chercheurs ont abreuvé l’intelligence artificielle de comptes rendus médicaux déjà existants pour qu’elle apprenne ce langage spécifique. 

"Il faut apprendre à la machine à parler comme un médecin, comme un urgentiste pour savoir faire le même type de rapports.", explique Emmanuel Lagarde, directeur de recherche à l’INSERM.

L'intelligence artificielle : un double intérêt

Plus l’intelligence apprend à analyser des comptes-rendus, plus elle devient performante.
L’idée est qu’elle puisse ensuite classifier les comptes rendus lorsqu’ils sont tapés par le personnel hospitalier. L'intelligence artificielle comprend qu’il y a eu une chute avec le mot "chute", et plus particulièrement dans un contexte sportif, avec le mot qui correspond. 

"On voit 2 intérêts majeurs. Le premier intérêt est pour le patient. On va pouvoir identifier rapidement les plus graves et pouvoir après fluidifier les moins graves sur l’ensemble des prises en charge de régulation. Le deuxième intérêt avec l’intelligence artificielle, c'est de catégoriser les différents types de pathologies.
Ce qui nous permettrait en cas d’épidémie qui reprend, d’identifier rapidement une montée d’un type de pathologie pour pouvoir ensuite nous adapter",
commente le Dr Catherine Pradeau, référente à la plateforme régulation SAMU 33. 

Repérer les critères d’admission

Aux urgences où 55 000 patients se présentent chaque année, le clavier d’ordinateur fonctionne à plein régime. L’infirmière d’accueil rédige au plus vite ses observations pour décider de la prise en charge.
Ce qui lui prend le plus de temps est de trouver le bon motif d’admission, autre application concrète de cette intelligence artificielle. 

"Je crois qu’il y en a 177 si je ne me trompe pas.  Il faut savoir choisir parmi tous ces motifs", explique Fabienne Gueguen, infirmière d’accueil des urgences. 

Vers une médecine prédictive

Ces choix pourraient être facilités par l'intelligence artificielle. Si un patient qui est connu pour un cancer du poumon, vient aux urgences pour dyspnées, l’intelligence présélectionne 4 ou 5 motifs d’admission au fur et à mesure que le médecin rajoute des détails. 

Cela permet de gagner en pertinence et en efficacité et quand l’infirmière a cinq minutes pour trier chaque patient, c’est essentiel. La prochaine étape est d'installer l’intelligence artificielle dans les logiciels de l’hôpital et de créer un observatoire de la traumatologie aux urgences.