Ne me laissez pas seul(e) face à mes pensées !

Pour beaucoup de gens, laisser son esprit vagabonder n'est pas chose aisée. Comme le démontre une récente étude américaine publiée dans Science, pour certains l'idée de s'abandonner à la rêverie semble tellement désagréable que tout est bon pour y échapper, même un coup de jus !

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Ne me laissez pas seul(e) face à mes pensées !

Une série d'études menées par des psychologues des universités américaines de Virginie et de Harvard, parues le 4 juillet dans le journal Science, montre que la plupart des personnes préfèrent mener une activité quelconque que de se retrouver seules face à elles-mêmes. Quitte, pour les plus récalcitrantes, à s'infliger un léger choc électrique plutôt que de rester seules avec leurs pensées !

Onze études ont ainsi été analysées par l'équipe du Docteur Thimothy Wilson, regroupant un peu plus de 200 sujets aux profils très différents et âgés de 18 à 77 ans. Une majorité de ces personnes, à qui l'on a demandé de rester en tête à tête avec elles-mêmes dans une pièce vide ou à leur domicile, entre 6 et 15 minutes, ont estimé que "ce n'était pas agréable et qu'elles avaient du mal à se concentrer". Une large majorité aurait préféré faire quelque chose, comme écouter de la musique ou utiliser leur smartphone. Un tiers, n'y tenant plus, aurait même avoué avoir "triché" en consultant leur téléphone ou en se levant de leur chaise. Mais là ou l'expérience ne manque pas de piquant, c'est qu'à la proposition de s'infliger eux-mêmes un léger choc électrique histoire de s'occuper un peu, une majorité d'hommes (mais pas de femmes) a dit oui.

S'occuper pour s'oublier

Selon les chercheurs américains, ces résultats surprenants ne sont cependant pas imputables à l'utilisation croissante des smartphones et autres gadgets électroniques. "Les gros utilisateurs de téléphones portables et de réseaux sociaux n'ont pas été plus gênés que ceux qui les utilisent moins", a indiqué à l'AFP l'un des auteurs, Erin Westgate de l'université de Virginie.

"Notre obsession des smartphones et des écrans est peut-être plus le symptôme d'un problème existant (il est difficile de ne rien faire) que la cause du problème", conclut la chercheuse. Une hypothèse à laquelle adhère Isabelle Célestin-Lhopiteau, psychologue et auteur de L'hypnose pour les enfants (éditions Josette Lyon). "Ce refus de se confronter à soi-même n'a pas attendu l'émergence et la multiplication des écrans pour exister. Il y'a d'ailleurs bien d'autres moyens d'éviter d'être connecté à soi-même que de se connecter à un smartphone !", rappelle la psychologue.

Que se soit le sport, le travail, ou l'écran, le problème réside dans cette suractivité, cette fuite en avant qui nous pousse à être dans le faire et pas dans l'être. "Ce refus d'introspection peut parfois être lié à une peur ou au refus de faire face à des choses difficiles. Il peut concerner tout le monde mais s'avère plus courant chez les gens qui se sont construit un personnage censé correspondre aux attentes des autres et non à ce qu'ils sont réellement. Difficile d'être face à soi quand on joue en permanence à être un autre", précise Isabelle Célestin-Lhopiteau.

Rêvasser pour mieux assimiler

Pourtant, sans oublier les autres bien sûr, il est important de se ménager des moments de rêverie et d'évasion par la pensée. Des études neurologiques par IRM ont montré que le vagabondage mental permettait l'activation du "réseau du mode par défaut". Ainsi lorsque notre activité cognitive n'est pas dirigée vers un objectif spécifique, autrement dit lorsque l'on "déconnecte", notre cerveau reste actif et analyse, décortique et fabrique même des hypothèses à partir des informations assimilées tout au long de notre vie à 100 à l'heure. Inutile cependant d'incriminer les écrans, car selon la psychologue "ils peuvent participer à ce 'temps pour soi' et chez certaines personnes permettent une cassure du rythme propice au vagabondage de l'esprit".

Prenez donc une pause pour méditer là-dessus...

Etude de référence : Just think: The challenges of the disengaged mind, Science 4 July 2014, DOI: 10.1126/science.1250830

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