Procès Monsanto : « La France peut servir d’exemple au niveau mondial »

Le 10 août, Monsanto a été jugé responsable du cancer d’un jardinier américain intoxiqué au glyphosate. Pour Paul François, figure de la lutte en France, cette décision est porteuse d’espoir.

Maud Le Rest
Rédigé le , mis à jour le
Les agriculteurs français pourront écouler leurs stocks de Basta F1 jusqu'en juillet 2018.
Les agriculteurs français pourront écouler leurs stocks de Basta F1 jusqu'en juillet 2018.  —  Photo © Sauletas - Fotolia

290 millions de dollars. C’est ce que devra verser Monsanto au jardinier américain Dewayne Johnson, atteint d’un lymphome non hodgkinien après avoir utilisé du Roundup et du Ranger Pro entre 2012 et 2014. Selon la justice américaine, ces deux produits phares de Monsanto, qui contiennent du glyphosate, sont à l’origine du cancer du jardinier, qui n’a aujourd’hui plus que deux ans à vivre.

Paul François, ex-agriculteur lui-même intoxiqué au Lasso, un autre produit de la firme, répond aux questions d’Allodocteurs.fr.

  • Comment réagissez-vous au jugement prononcé par la justice californienne ?

Paul François : "Ce jugement ouvre la voie à de nouveaux espoirs pour tous ceux qui souffrent des effets du glyphosate dans le monde. Dernièrement par exemple, j’étais en Argentine, où des victimes se battent pour faire reconnaître leurs pathologies. Des enfants et des nouveaux nés sont malades, il y a des fausses couches… En Inde et en Afrique aussi, il y a beaucoup de victimes..."

  • Quelles répercussions ce jugement peut-il avoir en France ?

Paul François : "Cette décision va nous aider d’un point de vue juridique, avec mon association Phyto-victimes, elle va aider les experts à statuer. Le tribunal de San Francisco s’est basé sur des éléments probants quant aux origines de la pathologie de Dewayne Johnson. [Le glyphosate est classé "cancérigène probable" depuis 2015 par l’Organisation mondiale de la santé. En 2012 par ailleurs, l’Inserm a publié une méta-analyse évoquant un lien entre pesticides et maladies professionnelles, ndlr.] On peut imaginer que les avocats de Monsanto – et je les connais – vont dire avec dédain qu’il est impossible que la firme ait commercialisé un produit dangereux. Mais justement, le délibéré pointe le manquement de Monsanto à son devoir de bienveillance, et c’est aussi ce qui avait été dit lors de mes procès en 2012 et 2015."

  • La France est-elle en retard au sujet du glyphosate ? La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a notamment affirmé que les connaissances sur les liens entre les pesticides et les maladies du travail étaient insuffisantes...

Paul François : "J'espère en tout cas que d'un point de vue politique, ce jugement va permettre aux pouvoirs publics français de prendre conscience de la dangerosité des produits de Monsanto. Il faut aller plus loin que le principe de précaution. La France a eu la possibilité de retirer le glyphosate du commerce, mais l’Assemblée nationale a finalement refusé d'inscrire cette mesure dans la loi Agriculture. [Les députés ont rejeté des amendements visant à interdire toute utilisation du glyphosate d’ici trois ans en juin dernier, ndlr.] Aujourd’hui, avec les éléments que l'on a, il est logique de le retirer. La France peut servir d’exemple au niveau européen et au niveau mondial. Mais encore faut-il avoir le courage d’assumer ses responsabilités..."

Le combat de Paul François débute en 2007, quand il décide d’attaquer Monsanto. Depuis qu’il a inhalé un des pesticides de la multinationale, le Lasso, le céréalier souffre de graves défaillances cérébrales et est invalide à 50%. En 2012, Monsanto est condamné à l’indemniser intégralement pour défaut d’information. En 2015, la cour d’appel de Lyon donne de nouveau raison à l’ex-agriculteur. En 2017, cette décision est annulée par la Cour de cassation, qui estime qu’on ne doit pas parler de défaut d'information, mais de produit défectueux. Le dossier sera de nouveau débattu le 6 février 2019. Paul François, lui, reste confiant.