Un orchestre pour changer la vie de malades psychiques

Aux Etats-Unis, des personnes atteintes de troubles psychiatriques qui ne sortaient plus de chez elles, retrouvent une vie sociale, et même parfois un emploi grâce à... un orchestre.

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le
"Malades psychiques : un orchestre qui change la vie", chronique de Géraldine Zamansky, journaliste, du 15 mars 2019
"Malades psychiques : un orchestre qui change la vie", chronique de Géraldine Zamansky, journaliste, du 15 mars 2019

Ronald Braunstein était un chef, le plus brillant de sa génération. Mais un jour, ce qui passait pour des sautes d'humeur de maestro a reçu le diagnostic de trouble bipolaire. Quand il a dû l'annoncer à son employeur en 2010, il a été renvoyé. C'est alors que lui est venue l'idée de créer un orchestre où les personnes souffrant comme lui de maladies psychiatriques seraient les bienvenues.

Il a présenté ce projet dans un documentaire en cours de création, "Orchestrating change" : "
J'étais arrivé à un point où j'avais été victime d'une telle discrimination que j'ai décidé de créer l'orchestre "me too" parce que je voulais faire de la musique avec des personnes comme moi et des personnes qui soutenaient les personnes comme moi... sans aucune stigmatisation".

Ce nom "Me too" a pris une résonance particulière depuis les scandales de harcèlement sexuel mais Ronald Braunstein l'avait choisi bien avant. Parce que lors de son "coming out", il avait découvert qu'il n'était pas seul. Des musiciens lui disaient "moi aussi", me too en anglais. C'est ainsi qu'il a baptisé cet orchestre : le M2 orchestra.

Un orchestre thérapeutique

Cet orchestre est donc créé en 2011 à Burlington, dans le Vermont, et il est passé de neuf membres à l'époque à cinquante aujourd'hui. Tous n'ont pas reçu un diagnostic de trouble psychiatrique. Ronald voulait justement montrer qu'il était possible de faire travailler ensemble des personnes dites normales avec des personnes atteintes de dépression, de schizophrénie, de troubles dissociatifs de l'identité ou d'anxiété majeure. Pour entrer dans l'orchestre, il faut seulement jouer d'un instrument, avoir plus de 13 ans et avoir envie de lutter contre les préjugés qui entourent la maladie mentale. Toutes sortes de niveaux sont acceptés.

Ronald explique que lorsqu'il dirige l'orchestre, il a l'impression d'être transformé dans un état où les sentiments de tristesse, de colère, de dépression sont éliminés par la musique. Avec Nancy-Lee, une joueuse de cor de M2, ils pensent que la musique a un pouvoir apaisant, de soin. Ce sentiment n'est pas sans lien avec plusieurs études consacrées aux effets de la musique sur le cerveau.

Le Dr. Emmeline Edwards, directrice d'une division de recherche sur des approches "complémentaires" de la santé explique qu'il a été démontré que la musique génère la même production de dopamine dans le cerveau qu'une drogue. Or, on sait par exemple qu'il y a une carence en dopamine dans les dépressions graves. L'orchestre pourrait donc être réellement thérapeutique.

Des changements de vie grâce à cet orchestre

La vie des musiciens atteints de troubles psychiatriques a vraiment changé grâce à l'orchestre. A côté du pouvoir de la musique en tant que tel, c'est sans doute surtout grâce au caractère bienveillant de ce groupe. Le regard de la société sur ces pathologies est particulièrement toxique pour ceux qui en souffrent. Incompris, montrés du doigt selon leurs symptômes, ils restent souvent "cachés" chez eux, avec un sentiment de honte. Certains d'entre eux se confient et racontent ce que l'orchestre a changé pour eux dans le documentaire Orchestrating change.

Si certains réussissent enfin à sortir de chez eux, d'autres ont même retrouvé du travail... Une métamorphose également constatée par le Dr Elliott, psychiatre et membre du deuxième orchestre M2 créé à Boston en 2014. Il a été impressionné de voir à quel point des personnes autour de lui retrouvaient confiance en elles. En plus de l'importance du soutien du groupe raconté par les musiciens, il pense que l'attitude du chef, Ronald, compte aussi beaucoup. Ce grand chef d'orchestre raconte son propre parcours avec la maladie et montre qu'on peut accomplir quelque chose. Il est toujours positif, il les valorise sans cesse. Cela compte beaucoup pour ces personnes qui ont souvent un lourd sentiment d'échec. L'appréciation du public compte aussi beaucoup. D'autant que l'orchestre se produit dans des prisons et des centres de soins psychiatriques où l'audience est très reconnaissante. 

Changer le regard sur la maladie mentale

L'orchestre joue aussi pour des publics plus classiques qui sont eux invités et qui peuvent apprécier la qualité du travail des musiciens. Ces concerts sont aussi l'occasion d'écouter des musiciens raconter leur parcours.

Ces interventions auraient été impossibles avant l'orchestre. Ce groupe de personnes qui n'ont pas peur, qui se battent contre la maladie... leur donne de nouvelles forces.