Un régime sans gain : adapter ses repas selon son groupe sanguin ne sert à rien

Une étude scientifique d'envergure, publiée le 15 janvier 2014, dans PLoS One, démontre que les régimes "adaptés en fonction du groupe sanguin de chacun" promus, au travers d'ouvrages très médiatisés, par le naturopathe Peter D'Adamo, n’ont absolument aucune efficacité spécifique.

Florian Gouthière
Rédigé le
Un accroissement de 20% de la qualité du régime alimentaire entraîne une réduction de 8 à 17% du risque de mortalité.
Un accroissement de 20% de la qualité du régime alimentaire entraîne une réduction de 8 à 17% du risque de mortalité.

Peter D'Adamo a un jour eu l'intuition que les différents groupes sanguins humains trouvaient leur origine dans "les habitudes alimentaires de nos ancêtres". La consommation de certains aliments spécifiques à certaines zones géographiques aurait entraîné, "il y a 10.000 ou 15.000 ans", une différenciation des cellules sanguines qui transportent les nutriments dans l'organisme, différenciation dont l'une des manifestations serait notre "groupe sanguin".

Poussant jusqu'au bout la logique de son intuition, le naturopathe a affirmé que l'homme moderne aurait grand intérêt à conformer son régime alimentaire aux "spécificités de son type sanguin". Si notre sang a muté pour transporter un certain type de nutriments, adapter son régime en fonction doit permettre de mieux digérer, d'être en meilleure santé, de réduire le risque de maladies cardiovasculaires !

Toutes ces "intuitions", D’Adamo les a donc couché dans des ouvrages bientôt traduits en 52 langues, et vendus à plus de 7 millions d'exemplaires. L'idée de les confronter à la réalité scientifique ne l'a, a priori, jamais effleuré. Il a tout du moins laissé ce soin à d'autres...

Surpris par la popularité du livre de D'Adamo, différentes équipes de chercheurs ont cherché à savoir si le public tirait un réel bénéfice de ses conseils... ou s'ils étaient victimes d'un très joli "coup" éditorial.

Après tout, pourquoi pas…

Si une pratique "alternative" présente des bénéfices objectifs, celle-ci doit rejoindre le canon de la médecine, dépouillée des allégations qui ne résistent pas aux expériences.

A bien des égards (historique, génétique, biologique) la théorie de D'Adamo semble fumeuse. Quant à la santé, la communauté médicale réagit souvent en termes très pragmatiques : peu importe si les "explications" de D'Adamo sont une fable. Si son régime apporte de réels bénéfices, si le groupe sanguin peut permettre de mieux cibler son régime, il faut tirer profit de cette découverte.

Il sera toujours temps de comprendre les mécanismes physiologiques ou l'explication génétique/historique du phénomène.

Un groupe de chercheurs canadiens, dirigé par le docteur El-Sohemy, a abordé le cas des "blood type diet" de façon totalement dépassionnée.

"Le manque de preuves scientifiques antérieures [en faveur d'un régime] ne signifie pas que [celui-ci] ne fonctionne pas", explique le Dr El-Sohemy, directeur de recherche en nutrigénomique à l'Université de Toronto. "Il n'y avait tout simplement pas de preuve, en faveur ou en défaveur de ce régime".

Quels bénéfices retirer d'un tel régime ?

L'équipe d'El-Sohemy a prélevé le sang de 1.455 Canadiens en vue de déterminer leur groupe sanguin, mais également d’évaluer différents indicateurs de risques cardio-vasculaires ou métaboliques (niveau d'insuline, taux de triglycérides, etc.).

Les chercheurs ont également recueilli des informations détaillées sur le régime habituel des participants à l'étude. Un "score de régime" a ainsi pu être attribué à chacun, en fonction de la présence ou non, dans son alimentation, des aliments spécifiques aux différents régimes "adaptés au groupe sanguin" décrits par D’Adamo.

Au terme de cette analyse, le verdict est tombé : "la façon dont un individu réagit à l'un ou l'autre des régimes [préconisés par D’Adamo] n'a absolument rien à voir avec son groupe sanguin", a déclaré El-Sohemy. "Nous n'avons trouvé aucune preuve à l'appui de la théorie de l'alimentation associée au groupe sanguin" .(1)

La théorie selon laquelle les besoins nutritionnels d'un individu varient selon son groupe sanguin "n'est pas valide", concluent les chercheurs. Un verdict qui rejoint l'ensemble des recherches préliminaires sur les régimes D'Adamo.


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(1) Ainsi, l'un des quatre régimes est associé "à un IMC faible et des taux de cholésterol, d'insuline et de triglycérides faibles" quel que soit le groupe sanguin des participants. Les bénéfices pour la santé des différents "programmes alimentaires" de D'Adamo renvoient aux principes diététiques les plus conventionnels.

Source : ABO Genotype, ‘Blood-Type’ Diet and Cardiometabolic Risk Factors. A. El-Sohemy et coll. PLos One, 15 janv 2014. doi:10.1371/journal.pone.0084749

 

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