Surdités rares : l'espoir des cellules souches

Des chercheurs britanniques et thaïlandais ont réussi remplacer des cellules nerveuses auditives endommagées par des cellules neuves, issues de cellules souches humaines. Une étude intéressante pour les neuropathies auditives.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Surdités rares : l'espoir des cellules souches

La surdité ou plus précisément les déficiences auditives ont plusieurs causes. Parfois, les cellules sensorielles de l'oreille sont altérées : elles n'activent pas les neurones responsables de la transmission du message sonore au cerveau.

Aujourd'hui, l'implant chochléaire permet de guérir de nombreuses surdités. Mais quand les les cellules endommagées sont les neurones auditifs, il ne sert à rien. La thérapie cellulaire est donc une piste prometteuse.

Recréer des cellules nerveuses auditives

Il s'agit de créer des cellules saines pour remplacer celles qui fonctionnent mal. Dans cette expérience, publiée dans la revue Nature du 12 septembre 2012, des chercheurs de l'University of Sheffield (Grande-Bretagne) et de la Srinakharinwirot University (Bangkok) ont utilisé des cellules souches embryonnaires, celles qui ont la capacité de se spécialiser en cellules de différents types avec des fonctions précises.

A partir de ces cellules souches, ils ont donc obtenu des cellules nerveuses auditives ou neurones du ganglion spiral situés dans l'oreille interne, qui envoient des signaux sonores au cerveau. Ils ont ensuite injecté ces nouvelles cellules dans l'oreille interne de 18 gerbilles rendues sourdes, et évalué leur audition avant et après la greffe.

Quatre semaines après la transplantation, les résultats sont encourageants : le greffon a pris, les cellules se sont différenciées en neurones auditifs et, surtout, il a été possible d'enregistrer leur activité électrique en réponse à un son.

Après destruction des neurones, il ne fallait monter le son que de 28 dB pour obtenir une réponse électrique après thérapie cellulaire contre 53 dB chez les gerbilles non traitées, soit une amélioration de 46 %. L'amélioration n'est pas uniforme selon les gerbilles, précisent les auteurs, mais certains des rongeurs du groupe greffe ont bénéficié d'une restauration complète de l'audition à dix semaines.

Un espoir pour les surdités de perception

Cette expérience concerne les surdités de perception. Quand le système auditif fonctionne correctement, les sons sont captés par le pavillon de l’oreille externe et entraînent des vibrations de la membrane du tympan. Par l'intermédiaire des osselets, du marteau, de l'enclume et de l'étrier, ces vibrations sont transmises à l'oreille moyenne. Ce message acoustique va ensuite être amplifié et transmis au milieu liquidien de l'oreille interne, où se trouvent la cochlée et le nerf auditif. Ce sont eux qui convertiront ces vibrations en impulsions nerveuses, les transmettront au cerveau, qui finalement ensuite identifier chacun des sons.

Dans les surdités de perception, c'est le récepteur qui ne fonctionne pas. Le son est bien transmis mais la cochlée, ou le nerf auditif, ne le perçoivent pas et ne peuvent ni le convertir en influx nerveux, ni le transmettre au cerveau.  

Cette expérience ne concerne pas l'essentiel des déficiences auditives, comme la presbyacousie par exemple, liée à l'âge. En revanche, elle est intéressante pour des types spécifiques et rares de surdité, comme la neuropathie auditive. Dans cette pathologie, la cochlée fonctionne souvent correctement, mais les réponses électriques du nerf auditif sont très perturbées, voire absentes.

Mais selon le Dr Alain Londero, ORL à l'hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP), cette expérience pourrait s’avérer intéressante pour les patients atteints de neuropathie auditive à condition de montrer "que la repousse neuronale est bien fonctionnelle, c'est-à-dire, que l'on soit capable de reconnaître des sons distincts et pas seulement du brouhaha".

Il faudra probablement attendre plusieurs années avant de le voir appliqué à l'homme. Avec un autre bémol soulevé par le corps médical, si aucune anomalie n'a été détectée chez les gerbilles, le risque de ce type de thérapie est de donner naissance à des cellules folles, conduisant à une tumeur. Il faudra donc d'autres étapes pour s’assurer de l’innocuité de ce traitement et confirmer son efficacité chez l'homme.

Source : "Human embryonic stem cells restore gerbil hearing", Virginia Gewin, Nature, 12 septembre 2012, doi:10.1038/nature.2012.11402

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