Sourd aux voix dans le brouhaha ? Les chercheurs savent pourquoi !

En dépit d'examens audiométriques assez bons, certains patients ont de grandes difficultés à percevoir les paroles dès que l'environnement devient un peu bruyant. Une étude, réalisée sur la souris par des chercheurs français, pourrait bien avoir élucidé ce paradoxe, et déboucher rapidement sur de nouveaux protocoles de diagnostic.

Florian Gouthière
Rédigé le
Sourd aux voix dans le brouhaha ? Les chercheurs savent pourquoi !

Excepté les sons les plus aigus, vous percevez correctement toutes les fréquences : l'audiogramme est formel, votre audition est excellente. Pourtant, dès que l'environnement est un peu bruité, les voix graves vous sont inaudibles. Et puisque vous entendez habituellement les sons graves, les cellules qui perçoivent les sons graves, dans votre cochlée (l'organe qui transforme le son en impulsions nerveuses) sont vraisemblablement intactes...

En étudiant des souris présentant ce type de déficit sélectif, les équipes du docteur Aziz El-Amraoui et du professeur Christine Petit ont découvert que les cellules supposées capter les sons aigus étaient beaucoup plus lésées que ne le suggéraient les tests. Chez ces animaux de laboratoire, ces sons aigus peuvent être perçus par les cellules habituellement dévolues à la seule perception des graves.

En d'autres termes : les capteurs des sons graves, du fait d'une mutation, sont également capables de percevoir les aigus. Aussi, si l'on fait écouter à la souris des sons dans des gammes de fréquences étendues, celle-ci pourra sans difficulté les entendre, quand bien même les cellules traitant normalement les signaux aigus seraient très abimées.

C'est lorsque deux sons mêlés, aigus et graves, atteignent les cellules à-tout-faire, que la confusion débute. Si les sons aigus sont les plus forts (comme c'est le cas dans une soirée animée), ce sont ceux-ci qui sont convertis en impulsions nerveuses. Le cerveau ne peut pas occulter les aigus pour entendre les graves, puisqu'il n'y a pas de graves à entendre...

Rien ne prouve encore que la mutation observée chez les souris du docteur El-Amraoui et du professeur Petit – mutation qui concerne la forme d'une protéine située à la surface des cellules de la cochlée(1) – soit la cause de ce type de trouble auditif chez l'homme. En revanche, la découverte de ce processus de compensation démontre, selon les auteurs de l'étude, que des tests audiométriques présentant plusieurs gammes de fréquences simultanées devraient être proposés de façon systématique aux patients dès lors qu'ils décrivent une telle gène auditive.

Pour améliorer le confort de vie des patients, les chercheurs suggèrent que soient utilisées des prothèses auditives capables d'augmenter l'intensité des fréquences graves (celles qui devraient être traitées "de droit" par les cellules à-tout-faire de la cochlée) et de diminuer l'intensité des aigues (celles qui ne devraient pas être captées).

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(1) A l'origine de cette étude, les scientifiques cherchaient à comprendre le rôle de cette protéine dans l'audition. C'est ainsi qu'ils ont découvert que les souris exprimant une version particulière de cette protéine présentaient ce trouble perceptif.

Source : An unusually powerful mode of low-frequency sound interference due to defective hair bundles of the auditory outer hair cells. K. Kamiya, C. Petit et coll. PNAS, juin 2014. doi: 10.1073/pnas.1405322111