Des têtards fluo contre la pollution médicamenteuse des eaux

Nouveau gadget ou prouesse biotechnologique ! La société Watchfrog a annoncé jeudi 22 novembre 2012 l'utilisation de têtards fluorescents pour détecter la pollution des eaux par les médicaments. Les premiers tests débuteront dès 2013, dans les bassins de décantation du Centre Hospitalier Sud Francilien (CHSF).

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Des têtards fluo contre la pollution médicamenteuse des eaux

Ce projet unique en France, financé par le ministère du Redressement productif, s'inscrit dans le respect de la loi sur l'eau de 1992. Elle impose de maintenir et d'améliorer la qualité écologique des eaux de surface. Or, les hôpitaux sont responsables du rejet de 10% des résidus pharmaceutiques dans les eaux. Mais ce ne sont pas les seuls. Les consommateurs rejettent aussi des résidus médicamenteux par les urines ou en se débarrassant des médicaments périmés dans les toilettes.

Une étude commandée par le ministère de l'Écologie révélait en 2003 que les estuaires de la Seine, de la Gironde, de la Loire et de l'Adour, présentaient des taux élevés de molécules pharmaceutiques allant du paracétamol aux antibiotiques, en passant par les pilules contraceptives. Des résidus présents malgré le passage obligé par les stations d'épuration.

Efficacité limitée du circuit d'épuration des eaux

Les stations d'épuration mêmes les plus développées, n'ont pas été conçues pour éliminer la totalité des molécules pharmaceutiques. L'aspirine par exemple, n'est dégradée qu'à 90%, on en retrouve des traces dans les eaux usées remises en circulation. Les antiépileptiques (carbamazépine) ou les anti-inflammatoires (diclofénac) ne se dégradent quasiment pas et certaines molécules sont même réactivées par le circuit d'épuration.

Impact sur la santé

Bien qu'il soit difficile d'établir un lien direct entre pollution médicamenteuse des eaux et santé, de nombreux signes alertent les chercheurs, comme le fait que des truites mâles deviennent des femelles.

Ces phénomènes de féminisation des poissons touchent aussi des gastéropodes et des grenouilles.

On observe également une diminution de l'efficacité du système immunitaire, ce qui entraîne une sensibilité accrue aux agents infectieux.

Les têtards, un détecteur sur mesure et peu coûteux

Jusqu'à présent, animaux et végétaux aquatiques ont été utilisé comme sentinelles pour détecter une pollution des eaux. Mais ce nouveau modèle de têtards fluorescents permet selon la société Watchfrog une détection plus efficace.

Le principe consiste à introduire dans l'ADN des têtards, un gène produisant une protéine : la GFP (Green Fluorescent Protein). Cette protéine émet une lumière verte si elle est au contact d'une molécule pharmaceutique.

Voici un exemple concret : certains résidus médicamenteux sont des perturbateurs endocriniens. Ils sont capables d'augmenter ou de diminuer la production d'hormones comme les œstrogènes ou les hormones thyroïdiennes. Chez les têtards génétiquement modifiés, ce changement de production déclenche la synthèse de la protéine GFP. Résultat : la fluorescence verte apparaît par transparence à travers la peau des têtards. L'impact de cette pollution devient alors visible à l'œil nu au bout de quelques heures et sans devoir sacrifier l'animal.

Cette méthode a aussi l'avantage d'être spécifique. Selon Anne Feraudet, directrice adjointe de Watchfrog, "certains têtards ne réagissent qu'aux polluants impactant les hormones thyroïdiennes, d'autres aux polluants impactant la reproduction ou le développement du cerveau". Et les résultats ainsi obtenus sont transposables à l'homme.

Les têtards de xénope sont un modèle de recherche reconnu depuis longtemps. Ils possèdent un système immunitaire complet, une fonction cardiaque et un système circulatoire complexe. Plus intéressant encore, les mécanismes biochimiques entre xénope et humains sont très proches puisqu'ils on été conservés au cour de l’évolution.

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