DT-Polio : pourquoi les arguments du Pr Joyeux ne tiennent pas

Il fait partie des incontournables de la vaccination : le DT-Polio. Un vaccin obligatoire pour les enfants de moins de 6 ans, mais en rupture de stock depuis des années. La pénurie oblige les familles à se tourner vers le seul vaccin toujours disponible, un hexavalent protégeant contre cinq maladies, au lieu de trois. Si ce choix est conforme aux recommandations des autorités de santé françaises, il est jugé contestable et dangereux aux yeux du Pr Joyeux, qui a lancé une pétition recueillant déjà plus de 350.000 signatures.

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le

La pétition fait le tour des réseaux sociaux depuis bientôt une semaine : le Pr Henri Joyeux, cancérologue, a lancé un "appel d'urgence" contre le vaccin Infanrix Hexa®.

Alors que le vaccin classique DT-Polio est en rupture de stock, les parents sont obligés de se tourner vers le vaccin hexavalent. Ce dernier, en plus de protéger contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la coqueluche, immunise également les enfants contre l'Hæmophilus ifluenzae de type B (bactérie responsable de certaines otites) ainsi que l'hépatite B. Cette solution de remplacement ne plaît pas du tout au Pr Joyeux, qui, dans une vidéo, invite tous les parents à "ne pas se laisser faire". "Votre responsabilité est énorme. Vous êtes un maillon essentiel de la chaîne. Nous ne pouvons compter que sur vous. Agissez maintenant en envoyant le lien de la vidéo partout autour de vous, par tous moyens", insiste t-il dans la vidéo.

"Madame, Monsieur, que feriez-vous si vous deviez vacciner votre bébé pour le protéger contre de graves maladies ? … Mais que le vaccin normal efficace et sûr n’est plus disponible et que le seul produit en vente est un prétendu « super vaccin » pas assez testé",  ajoute le médecin, ancien président de l'association ultraconservatrice Familles de France.

Si la pétition a déjà recueilli plus de 350.000 signatures, les arguments défendus par le médecin sont faux et sans valeur.  Sous prétexte d'autorité médicale, le Pr Joyeux, qui n'est d'ailleurs ni virologue ni épidémiologiste, alimente des croyances dangereuses.

''Pas assez testé''

Cet argument rhétorique est jugé sans fondement par la plupart des spécialistes, comme le Pr Odile Launay, vice-présidente du Comité technique des vaccinations : "Ce sont des médicaments qui sont développés de façon indépendante. C’est-à-dire qu’il y a eu tout un développement clinique pour le vaccin trivalent, mais de la même façon un développement clinique pour le vaccin hexavalent. Et on a montré qu’il n’y avait pas plus d’effets indésirables avec l’hexavalent qu’avec le trivalent".

Les vaccins, comme tout médicament mis sur le marché, sont testés au préalable au cours de 4 phases d'essais cliniques qui peuvent durer des décennies.

''Des additifs neurotoxiques et peut-être cancérogènes''

Autres accusés : deux adjuvants qui entrent dans la composition du vaccin, l’aluminium et le formaldéhyde. Des additifs régulièrement critiqués pour leurs supposés effets cancérogènes et neurotoxiques. Or, aucune étude fiable ne prouve la dangerosité de l'aluminium. En 2013, le Haut Conseil de la Santé Publique estimait que "les données scientifiques disponibles à ce jour ne permettent pas de remettre en cause la sécurité des vaccins contenant de l’aluminium".

Selon Odile Launay, "aujourd’hui, il n’y a aucune inquiétude à avoir par rapport à l’aluminium qui est utilisé depuis très longtemps dans le vaccin. De toute façon on n’a pas le choix, si on ne met pas d’aluminium, on n’est pas efficace et puis on a des données avec des millions, des milliards de personnes vaccinées qui ne montrent pas de problèmes particuliers ".

Concernant le formaldéhyde, aucun danger n'est avéré, comme le rappelait l'OMS en 2008. C'est effectivement un cancérogène probable lors d'une exposition respiratoire longue et répétée. Mais injecté dans le corps, le formaldéhyde est rapidement et naturellement éliminé. "Et puis les conservateurs ou le formaldéhyde sont à des quantités très faibles et ça c’est extrêmement surveillé, à ces quantités là on sait très bien qu’il n’y a aucun risque pour l’organisme", ajoute Odile Launay. D'ailleurs cet additif est également présent sur les vaccins trivalents ou monovalents, tant défendus par le Pr Joyeux… La logique de son raisonnement paraît donc peu claire.

''Il est absurde et dangereux de vouloir vacciner des enfants de 2 mois contre l'hépatite B''

Selon le Pr Joyeux, inutile de vacciner son enfant contre l'hépatite B, puisque cette maladie est sexuellement transmissible (et ne concerne donc pas les nouveaux nés). Ce qu'oublie de rappeler le cancérologue c'est que ce virus se transmet également par plaies ouvertes, blessures ou morsures.

''Ce vaccin est sept fois plus cher''

Une fois de plus, l'argument ne tient pas… Car face à la pénurie du vaccin tétravalent, l'Agence du médicament a exceptionnellement mis en place un kit de vaccination totalement gratuit ! Il contient une dose de DT VAX® (qui protège contre la diphtérie et le tétanos) et une dose d'Imovax Polio®, contre la poliomyélite.

Rappelons qu'il reste obligatoire pour les parents de faire vacciner leurs enfants contre ces trois maladies. Concernant les trois autres souches (coqueluche, H. Influenzae B et hépatite B) la vaccination est fortement recommandée pour tous par l'Assurance-maladie.