Mon enfant évoque souvent les attentats. Faut-il s'en inquiéter ?

Comment apaiser un garçon de 10 ans qui parle très souvent des attentats, des kamikazes même dans ses jeux ? Mon fils de 9 ans rejoue des scènes d'attaques terroristes avec ses Lego en démembrant et éparpillant le corps des petits personnages. Dois-je m'en inquiéter ? Ma fille de 5 ans a peur que des tueurs viennent à la maison, elle évite de faire du bruit pour ne pas qu'on l'entende. Je ne sais quoi faire et que lui dire ? Mes enfants de 4 et 6 ans semblent avoir totalement oublié ce qu'il s'est passé. J'ai du mal à cacher mon angoisse. Dois-je leur en parler encore ?

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le

Les réponses avec le Dr Jacques Cheymol, pédiatre et avec le Dr Matthieu Calafiore, médecin généraliste :

"Il faut voir ce que faisait auparavant cet enfant avec tout ce qui était virtuel. Depuis un certain nombre d'années, les jeux sont d'une violence hallucinante et avec une représentation de la mort très fréquente et banalisée. Tout d'un coup, il y a une réalité qui arrive dans la vie de cet enfant où le jeu vidéo devient quelque chose de réel. Si cet enfant est envahi par cette notion d'inquiétude, au bout d'un moment il faut un espace de parole adapté pour lui permettre de métaboliser les choses. Mais c'est aussi lui permettre avec les réseaux sociaux, de pouvoir échanger sur ces thématiques avec les autres adolescents parce qu'il faut lui montrer qu'il n'est pas le seul. Il faut l'autoriser à être dans quelque chose qui peut paraître redondant.

"Le jeu a toujours fait partie d'une certaine thérapeutique de rejouer des situations difficiles. C'est le jeu quotidien des enfants qui utilisent depuis longtemps les indiens, les cow-boys… et qui utilisent les pistolets factices pour exprimer leur agressivité. Et la pédopsychiatrie utilise le jeu pour permettre aux enfants dans des mécanismes projectifs de rejouer les choses qu'ils leur sont difficiles comme ils le font avec le dessin ou avec le théâtre… Le fait que cet enfant rejoue des scènes d'attaques terroristes avec des Lego ne me paraît pas inquiétant sauf si l'enfant est envahi par ces thématiques, qu'il n'arrive pas à être en dehors de ça au bout d'un moment…

"Concernant cette petite fille de 5 ans, il faut d'abord voir si cette mère elle-même est rassurée. Et si elle a un envahissement d'émotions trop important, est-ce qu'elle est apaisante pour son enfant. L'émotion des parents va envahir l'enfant. Il faut que cette mère s'interroge : a-t-elle arrêté de regarder les reportages en boucle sur cette thématique, car on sait très bien qu'au bout d'un moment une des préventions, c'est d'arrêter le visionnage continuel que tout le monde a fait mais il faut éviter de le faire devant les enfants. Il faut aussi essayer d'éviter de polémiquer sur ce qui est fait devant les enfants. Cela montre une forme de fragilité du pouvoir au-dessus, on peut avoir ses opinions personnelles et politiques ce n'est pas le problème, mais dans ces moments-là il faut montrer que l'univers des grands est solide. À tort ou à raison. Cela peut devenir une phobie pour cette enfant, mais là nous sommes au début des événements donc peut-être qu'il faut laisser les choses s'aplanir."

"Il faut aussi penser à la réaction des grands-parents qui est importante parce qu'on pense très facilement aux enfants, à leurs réactions mais on pense moins facilement aux aînés. Il faut aussi penser à les faire parler, voir le message qu'ils vont transmettre aux enfants et aux petits-enfants."

"Si les enfants ont oublié, il faut savoir ce que le parent veut : est-ce qu'elle veut gérer sa propre angoisse ou est-ce qu'elle veut que ses enfants puissent "expulser" quelque chose qui s'enkyste. Dans ce cas, c'est une situation singulière. Si les enfants n'ont pas envie d'en parler sur le moment, il faut le respecter. Mais il faut leur donner des possibilités de le faire s'ils en ont envie."