L'immunothérapie contre le cancer : vos questions, nos réponses

L'immunothérapie est-elle efficace pour tous les cancers et tous les malades ? Quels sont les effets secondaires de l’immunothérapie ? Est-il nécessaire d'être hospitalisé ? Ce traitement est-il pris en charge par la Sécurité sociale ? Le Pr Nicolas Girard, onco-pneumologue, répond à vos questions.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Y a-t-il des cancers plus "réceptifs" que d'autres à l'immunothérapie ?

Les réponses avec le Pr Nicolas Girard, onco-pneumologue :

"Pour qu'un cancer soit réceptif à l'immunothérapie, il faut que ce cancer soit suffisamment différent du reste de l'organisme pour qu'il puisse y avoir une reconnaissance. Par exemple, pour un cancer du sein ou un cancer du côlon, il y a beaucoup d'altérations dans les gènes des cellules cancéreuses mais globalement à la surface, il n'y a pas tellement de lymphocytes autour de ces cellules cancéreuses. Le cancer du poumon, le mélanome... sont des cancers liés à une agression de l'organisme par un agent extérieur (le soleil, les rayons X, les UV, la cigarette...). Les cellules sont très différentes du reste de l'organisme et de ce fait, nos globules blancs sont capables de les reconnaître."

L'immunothérapie peut-elle être utilisée chez tous les malades de cancer du poumon ?

Les réponses avec le Pr Nicolas Girard, onco-pneumologue :

"Oui, on peut utiliser l'immunothérapie pour des malades qui ont été des gros fumeurs. C'est probablement les tumeurs qui ont le plus de chance de répondre à l'immunothérapie parce que ces tumeurs sont très différentes du reste du poumon. A l'inverse, on sait qu'un cancer du poumon sur cinq ou un cancer du poumon sur six survient chez des personnes qui n'ont jamais fumé et dans ce cas, l'immunothérapie fonctionne beaucoup moins bien.

"Concernant l'âge, des études sont menées pour les tumeurs qui surviennent chez les enfants. Et l'autre question, c'est d'évaluer l'immunothérapie chez les personnes plus âgées car on sait qu'il y a une immunosénescence, c'est-à-dire un vieillissement de notre capacité à développer des réponses immunitaires. Des études spécifiques sont mises en place pour évaluer l'efficacité de l'immunothérapie dans ces cas-là."

Quels sont les effets secondaires de l'immunothérapie ?

Les réponses avec le Pr Nicolas Girard, onco-pneumologue :

"Toutes les immunothérapies sont très différentes les unes des autres, avec des effets secondaires qui peuvent arriver. Ces effets secondaires sont différents de ceux de la chimiothérapie. Et ils sont différents d'une immunothérapie à l'autre. Il faut donc faire connaître ces nouvelles toxicités parce que d'une façon générale, les médecins traitants ou les médecins urgentistes qui peuvent être amenés à prendre en charge des patients sous immunothérapie, doivent être bien informés. Ils doivent savoir que lorsqu'il y a un traitement par perfusions ou par comprimés, ce n'est pas la même chose qu'une chimiothérapie. Et de ce fait, les effets secondaires sont différents.

"Pour les immunothérapies d'une façon générale, il existe moins d'effets secondaires que pour une chimiothérapie. Mais ils sont surtout différents. On peut avoir une baisse de globules dans certains cas, on peut avoir des dérèglements de thyroïde ou des dérèglements endocrinologiques... Ils sont parfois difficiles à diagnostiquer si on n'a pas en tête ces différences.

"Les maladies auto-immunes sont une contre-indication à l'immunothérapie. Dans les études cliniques, c'était un critère qui faisait que l'on ne pouvait pas donner l'immunothérapie. Il y a des patients qui ont une maladie auto-immune et dans ce cas, on évalue le bénéfice-risque de l'immunothérapie. Et il y a des patients qui ont de l'immunothérapie pour traiter leur cancer et qui vont développer une maladie auto-immune. Dans ces situations, on pense plutôt que c'est un signe de bonne efficacité du traitement. Mais il s'agit d'un point de vigilance à avoir au cours du traitement."

Est-il nécessaire d'être hospitalisé pour une immunothérapie ?

Les réponses avec le Pr Nicolas Girard, onco-pneumologue :

"Tous les services de cancérologie disposent de l'immunothérapie. C'est un médicament qui est autorisé en France, dans des situations particulières. Un tiers des patients atteints d'un cancer du poumon en bénéficient d'emblée. Mais aussi dans des situations plus avancées, par exemple après l'échec d'une chimiothérapie pour une majeure partie des patients.

"Le traitement par immunothérapie est coûteux. Elle apporte un bénéfice, et il y a tout un enjeu de négociation des prix. C'est le rôle des autorités de santé d'évaluer le juste prix de ce bénéfice en fonction de la situation dans laquelle on est et du type de cancer.

"Il n'est pas toujours nécessaire d'être hospitalisé pour une immunothérapie. Certaines immunothérapies se font en perfusions, souvent des perfusions plus courtes qu'une chimiothérapie, mais qui nécessitent un passage à l'hôpital. Il existe toutefois des initiatives notamment de perfusions de l'immunothérapie à domicile. L'immunothérapie est un traitement assez « naturel » dans son fonctionnement. Il y a beaucoup moins d'effets secondaires. Et quand l'immunothérapie est efficace, les patients reprennent une vie normale et cela pose un enjeu d'organisation. Revenir à l'hôpital tous les quinze jours ou toutes les trois semaines pour une perfusion... prend du temps. Il y a donc tout un enjeu d'organisation avec des perfusions à domicile. Des expérimentations sont actuellement menées à ce sujet.

"Il y a moins d'infections avec l'immunothérapie par rapport à la chimiothérapie. On est plutôt dans une stimulation du système immunitaire qui peut parfois être une sur-stimulation avec des dérèglements inflammatoires au niveau de certains organes comme par exemple la thyroïde... On surveille donc systématiquement la thyroïde chez nos malades."

L'immunothérapie est-elle prise en charge par la Sécurité sociale ?

Les réponses avec le Pr Nicolas Girard, onco-pneumologue :

"Oui, l'immunothérapie contre le cancer est prise en charge par la Sécurité sociale. Pour les molécules qui sont remboursées, donc dans certaines situations, l'immunothérapie est remboursée. C'est plus difficile pour les cancers plus rares comme le mésothéliome (cancer lié à l'amiante). On a la démonstration de l'efficacité de l'immunothérapie qui a été faite par une grande étude française. Les Américains ont l'immunothérapie remboursée et recommandée. Mais aujourd'hui, il n'y a pas d'autorisation de mise sur le marché en Europe, donc pas du tout en France. Et l'immunothérapie n'est donc pas remboursée dans ce cas. On rencontre donc des difficultés d'accès à cette molécule innovante. Et sur des tumeurs rares, l'enjeu vis-à-vis de l'approbation de ces médicaments est toujours difficile."