Reprogrammer les cellules de peau d'un individu pour réparer des coeurs

Des cellules de peau prélevées sur un macaque ont été reprogrammées et utilisées avec succès pour "régénérer" le coeur endommagé d'autres singes, selon une étude publiée ce 10 octobre dans la revue Nature.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Reprogrammer les cellules de peau d'un individu pour réparer des coeurs

L'expérience a été réalisée avec les cellules de peau d'un macaque "donneur", reprogrammées en cellules souches pour obtenir des cellules de muscle cardiaque pour d'autres macaques. Leur prouesse a été de faire correspondre une protéine particulière du système immunitaire entre donneur et receveur afin d'assurer la compatibilité des cellules souches reprogrammées (iPS [1]).

Les cellules obtenues ont été implantées dans le coeur de cinq macaques souffrant d'un infarctus provoqué artificiellement.

Avec l'aide de traitements anti-rejet modérés, les chercheurs ont évité tout phénomène de rejet, et réussi à améliorer la contraction du coeur pendant 12 semaines, période à l'issue de laquelle les singes ont été euthanasiés. Selon les chercheurs, c'est la première fois que des cellules souches pluripotentes induites (iPS) sont utilisées pour réparer un coeur après un infarctus.

Un optimisme prudent

"Nous avons encore quelques obstacles, comme le risque de formation d'une tumeur ou encore d'arythmie (rythme cardiaque irrégulier)", a reconnu Yuji Shiba, l'un des co-auteurs de l'étude à l'AFP. Il espère toutefois espère que sa technique pourra être testée chez l'homme "dans quelques années".

Des experts non impliqués dans l'étude sont pour la plupart restés prudents estimant qu'il ne fallait pas donner de faux espoirs aux malades. "De nombreux obstacles et défis subsistent", a ainsi commenté le Dr Tim Chico, un spécialiste de médecine cardiovasculaire de l'Université britannique de Sheffield qui fait état d'un "optimisme très prudent" face à cette nouvelle technique.

Pour le Pr Sian Harding, un spécialiste de la médecine régénératrice de l'Imperial College de Londres, il s'agit "d'un pas en avant significatif", qui permet d'éviter "le long processus qui consiste à reprogrammer les cellules du patient". Il note également que des cas d'arythmie ont déjà été observés dans une précédente étude, mais qu'elles n'ont pas été mortelles.

 

Étude : Allogeneic transplantation of iPS cell-derived cardiomyocytes regenerates primate hearts. Y. Shiba et al. Nature, 10 oct. 2016. doi:10.1038/nature19815

 


[1] Les iPS sont des cellules matures reprogrammées afin de leur faire retrouver un état quasi embryonnaire, à partir duquel elles peuvent être incitées à développer n'importe quelle sorte de cellules du corps. Cette nouvelle approche permet d'éviter le recours controversé à des cellules souches provenant d'embryons ou prélevées directement sur le patient.

L’utilisation des iPS, déjà expérimentée chez l’humain, reste encore "longue, laborieuse et coûteuse", selon les auteurs de la publication de Nature.

En 2013, des chercheurs nord-américains avaient réussi à faire croître du tissu cardiaque fonctionnel à l'aide des cellules souches humaines reprogrammées.