Coeur artificiel : Carmat souhaite bien rester en France

La société Carmat, dont l'essai clinique en France sur son coeur artificiel total est suspendu depuis bientôt quatre mois en raison d'exigences réglementaires accrues, a démenti toute intention de quitter le pays.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

L'objectif de Carmat, qui dit actuellement collaborer avec l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), est toujours de "reprendre le plus vite possible l'essai clinique" en France, a déclaré Stéphane Piat lors d'une conférence à Paris devant un parterre de journalistes, d'analystes financiers et d'investisseurs. Un exercice rarissime pour cette start up, peu à l'aise avec les médias, malgré son statut d'emblème tricolore de l'innovation dans les sciences de la vie.

"Je n'ai jamais dit qu'on allait partir de la France", a affirmé le directeur général de Carmat, Stéphane Piat. "Nous n'avons jamais parlé d'autre chose que d'enrôler des patients à l'étranger", en plus de la France, et non de délocaliser la société", poursuit-il.

Dans un entretien au Parisien le 6 février, où M. Piat déplorait notamment des "blocages" d'ordre réglementaire pour l'innovation en France, nombre d'observateurs avaient vu une menace voilée de Carmat de quitter la France, pour les Etats-Unis entre autres."Beaucoup de mes propos manquent dans la retranscription de l'article", a expliqué mardi le directeur général.

"Plus de pragmatisme sur l'innovation de rupture"

Alors que dans Le Parisien, il avait jugé "dépassé" le principe de précaution observé par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), il a, au contraire, salué ce jour le travail de l'agence, estimant qu'elle faisait "des choix difficiles" et qu'il fallait "respecter" les règles de chacun. Il a toutefois réitéré son appel à "plus de pragmatisme sur l'innovation de rupture".

Les dirigeants de Carmat espèrent faire passer ce message quand ils seront reçus au ministère de la Santé "d'ici dix jours", a précisé le président de la société, Jean-Claude Cadudal.

Carmat avait lancé l'an dernier son essai clinique dit "pivot" qui, en cas de succès, doit lui ouvrir les portes du marché européen. Mais cet essai a été suspendu dès mi-octobre après le décès du premier patient implanté dans le cadre de cette nouvelle étude, 47 jours après avoir été greffé d'un coeur artificiel Carmat. L'ANSM a exigé davantage d'informations et des mesures supplémentaires de la part de la société pour garantir au maximum la sécurité des patients. Carmat a révélé  que ce patient, âgé de 68 ans, était décédé en raison d'une mauvaise manipulation qu'il a effectuée en remplaçant les batteries de son coeur artificiel, quelques jours avant de quitter l'hôpital pour rentrer chez lui.

Une alternative de long terme à la greffe

Carmat développe un coeur artificiel total pour des patients en insuffisance cardiaque terminale, qui n'ont plus que quelques jours ou semaines à vivre, et pour lesquels il n'y a pas de greffe disponible. Le but ultime du projet est d'être une alternative de long terme à la greffe.

Au total, depuis fin 2013, Carmat a implanté cinq patients, tous décédés aujourd'hui, après avoir survécu de 20 à 270 jours. Pour son nouvel essai clinique, dont l'objectif de survie a été fixé à 180 jours, Carmat prévoit de recruter de 10 à 25 patients: jusqu'à 10 en France et les autres en Europe ainsi qu'éventuellement aux Etats-Unis.

Malgré le retard pris en France, la société espère toujours déposer sa demande de marquage CE fin 2018, étape nécessaire pour commercialiser son dispositif dans l'Union européenne. Dans une analyse interne l'an dernier, Bpifrance avait toutefois jugé "risqué" le projet de Carmat et ne voyait pas la société rentable avant 2023. Par ailleurs, des coeurs artificiels concurrents existent déjà, comme celui de l'américain SynCardia, avait rappelé Bpifrance.