Ces virus qui guérissent : une expérience lyonnaise

Deux malades souffrant de très sévères infections résistantes aux antibiotiques ont été guéris grâce à l'utilisation, encore exceptionnelle, de bactériophages, virus "prédateurs de bactéries".

La rédaction d'Allo Docteurs
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Ces virus qui guérissent : une expérience lyonnaise

Les deux patients, dont une femme de 80 ans, souffraient d'infections ostéoarticulaires particulièrement graves et qui ne pouvaient plus cicatriser. Grâce à l'injection d'un "cocktail de bactériophages" dans la zone atteinte, l'infection a pu être résorbée, a expliqué ce 20 septembre Tristan Ferry, du service des maladies infectieuses et tropicales aux HCL, l'entité qui regroupe les hôpitaux publics lyonnais.

Ce recours aux bactériophages (ou "phages") est connu de longue date mais était tombé en désuétude en Europe occidentale depuis la popularisation des antibiotiques. Ils sont encore utilisés, mais avec des modalités différentes, dans des pays de l'Est, comme la Géorgie, la Russie, la Pologne ou l'Ukraine. Cette technique redevient aujourd'hui tout à fait prometteuse en raison des cas toujours plus nombreux de résistance aux antibiotiques, a souligné le Dr Ferry.

Grâce aux progrès considérables en biologie moléculaire et en génomique, "nous pouvons travailler maintenant avec des bactériophages de très bonne qualité", a expliqué Guy-Charles Fanneau de La Horie, président du directoire du laboratoire qui a fourni le "cocktail de bactériophages" ayant permis de soigner les deux patients. "Nous recevons assez régulièrement des échantillons d'eaux d'égoûts dans lesquelles nous cherchons des bactériophages", a-t-il indiqué. Le laboratoire prépare ensuite des produits purs, chaque flacon d'un millilitre contenant un milliard de phages "de très bonne qualité", précise-t-il.

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Une thérapie courte et ciblée

Tristan Ferry estime que le principal avantage des bactériophages est d'être appliqué en une seule fois, à la différence des antibiotiques qui demandent des traitements longs. Second avantage : chaque phage s'attaque à une bactérie précise. Il ne s'attaque pas aux autres bactéries, dont nombre ont des effets bénéfiques sur la santé. Il faut par conséquent repérer la bactérie fautive.

Le recours à ces bactériophages pour les deux patients des HCL a été exceptionnel car il leur a fallu bénéficier d'une autorisation pour "traitement compassionnel" de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). A ce jour, les bactériophages ne disposent pas en effet de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) indispensable pour commercialiser un nouveau traitement.

Le laboratoire partenaire du projet souligne disposer désormais de toute une gamme de bactériophages pour lutter contre les diverses infections résistantes aux antibiotiques. Le président de son directoire précise qu’il ne s'agit pas d'être "concurrent", mais bien "complémentaire des antibiotiques". Des programmes d'études cliniques (dont l'objectif est de déboucher, à moyen terme, sur des AMM) sont en cours.

avec AFP

L'Agence française du médicament (ANSM) a donné la première autorisation de traitement à titre compassionnel pour une phagothérapie en novembre 2015, pour un brûlé grave.