Alerte à l'aspergillose, une maladie liée à un champignon microscopique

Des chercheurs appelent à une mobilisation contre l'aspergillose pulmonaire chronique, une maladie liée à une moisissure très commune. De nouvelles souches résistantes aux traitements seraient apparues du fait du recours à des pesticides agricoles.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Alerte à l'aspergillose, une maladie liée à un champignon microscopique

Aspergillus fumigatus est un champignon extrêmement répandu, présent dans vos greniers, sur vos plafonds, dans les climatiseurs, ou lieux humides comme les salles de bains ou les cuisines. "On le respire quotidiennement", souligne la pneumologue Cendrine Godet, à l’issue du Congrès international de la Société européenne des maladies respiratoires, qui se tenait cette semaine à Paris.. "Dès que vous avez des taches noirâtres sur les murs, il y a de l'aspergillus là-dedans".

Les personnes aux poumons fragiles particulièrement menacées

Pour la plupart des gens, cette moisissure est inoffensive. À l'inverse, on sait depuis longtemps qu'il met en danger des patients fragiles, comme les immunodéprimés ou ceux qui ont déjà souffert d'autres maladies pulmonaires comme la tuberculose ou le cancer du poumon. Mais depuis peu, les spécialistes estiment qu’Aspergillus représente une menace pour une catégorie de population bien plus large : "des gens qui ont les bronches dilatées parce qu'ils fument, qui ont de l'asthme, ou qui ont une petite cicatrice sur le poumon, laissée par une infection ancienne, comme une pneumonie par exemple", selon le docteur Godet.

Aspergillus profite alors de ces portes d'entrée pour "faire son nid" dans le poumon, ajoute-t-elle, en citant l'exemple de l'un de ses patients, un palefrenier vraisemblablement infecté à force de manipuler des céréales dans les box à chevaux.

Un diagnostic difficile à poser

"Des symptômes chroniques peuvent se développer sur des mois et des années, sans faire de bruit: on tousse, on est essoufflé et on peut en arriver à cracher du sang", décrit le Dr Godet. Ces symptômes ne sont pas propres à cette maladie et le diagnostic est difficile à poser. Dans les formes infectieuses les plus graves, "quand on découvre que l'aspergillus est en cause, le poumon commence à se détruire, il y a d'énormes cavités avec des boules de champignons à l'intérieur". Chez les patients non traités, la mortalité à 5 ans varie de 50 à 80%.

"C'est un énorme problème de santé publique, mais cette maladie n'est pas visible de la population et du corps médical", assure le docteur Cendrine Godet. Pourtant, "les publications actuelles font état de 3 millions de personnes touchées dans le monde et 240.000 en Europe", affirme-t-elle, jugeant que le problème est "très sous-estimé".

Les fongicides agricoles en partie responsable de la menace

La chirurgie est rarement possible et le seul moyen de combattre l'aspergillose est un traitement fongicide, qui s'étale sur 6, 9 voire 12 mois.

Les protocoles de soin recourent notamment à des molécules de la famille des azoles (telles que le voriconazole ou le posaconazole). Or, depuis la fin des années 1990, certains patients semblent infectés par des souches résistantes à ces fongicides.

Fin 2009, on estimait que de 6% à 12% des patients infectés subissaient les effets de ces résistances [1]. L’usage mal contrôlé de certains fongicides en milieu agricole pourrait avoir contribué à cette situation, par un processus de "pression de sélection" : l’éradication continue, dans l’environnement, des souches sensibles aux azoles, aurait laissé tout l’espace aux rares souches possédant des mutations leur assurant une résistance.

De fait, des cultures de moisissures réalisées à partir de terre et de compost par des chercheurs hollandais en 2009 ont permis d’identifier, au niveau génétique, les mêmes résistances que celles identifiées chez les malades [2].

Des essais cliniques doivent être réalisés par une équipe française à partir de la fin de l’année 2018 afin d’identifier des traitements alternatifs de l’aspergillose, recourant notamment à des antifongiques administrés par voie aérosol.

la rédaction d’Allodocteurs.fr, avec AFP


[1] Voir :

  • P.E. Verweij, et al. "Multiple-triazole-resistant aspergillosis". NEJM, 2007 ; 356, pp. 1481–83.
  • E. Snelders, et al. "Emergence of azole resistance in Aspergillus fumigatus and spread of a single resistance mechanism". PLoS Med 2008 ; 5: e219.
  • P.E. Verweij et al. "Nationwide survey of in vitro activities of itraconazole and voriconazole against clinical Aspergillus fumigatusisolates cultured between 1945 and 1998".  J Clin Microbiol.2002 ; 40, pp. 2648–50.

[2] P.E. Verweij et al. "Azole resistance in Aspergillus fumigatus: a side-effect of environmental fungicide use?" The Lancet Infectious Diseases, 2009 ; 9:12, pp. 789-795,