Codéine : des détournements d'usage inquiétants

Devant l'augmentation des détournements d'usage des médicaments contenant de la codéine, l’Agence du médicament (ANSM) envisagerait de "restreindre leur accès", a déclaré l'une de ses dirigeantes ce 9 juin à l’Agence France Presse.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Entretien avec le Dr Oussama Kebir, psychiatre addictologue
Entretien avec le Dr Oussama Kebir, psychiatre addictologue

"Nous sommes en train de réfléchir aux différents leviers juridiques réglementaires" pour "restreindre l'accès trop facile [aux médicaments contenant de la codéine", a expliqué à l'AFP Nathalie Richard, directrice adjointe du pôle de l'ANSM chargé des antalgiques et des stupéfiants. À l’origine de cette évolution : des signalements d'"utilisation de ces produits par les adolescents" pour un usage récréatif.

La codéine est un antidouleur de la même famille que l'opium. Sous l'action d'enzymes présents (en quantité variable) dans l'organisme du patient, la molécule est transformée en morphine.

Les spécialités à la codéine sont aujourd'hui disponibles en vente libre en France sous forme de sirops contre la toux et en comprimés, si la dose ne dépasse pas 30 mg par comprimé. L'une des pistes envisagées par l'ANSM serait d'interdire la délivrance de ces médicaments sans ordonnance, mais d'autres leviers sont aussi envisagés, a ajouté Mme Richard.

Des détournements inquiétants

L'ANSM a reçu les premiers signalements d'usage détourné de ce type en 2013. Elle alertait en mars 2016 sur une "nette augmentation" de "demandes de délivrance suspectes rapportées par des pharmaciens d'officine mais aussi de cas de dépendance ou d'abus ayant pu conduire à une hospitalisation".

L'agence mettait alors en garde en particulier contre la "mode" du "Purple Drank", un mélange de sirop pour la toux à la codéine, de prométhazine (un antihistaminique aux propriétés sédatives) et de soda.

D'autres cas portent sur le détournement de comprimés de médicaments antidouleur associant paracétamol et codéine (Codoliprane, Klipal, Padéryl, etc.), facilement accessibles du fait de leur faible coût (2 à 3 euros la boîte).

Depuis le début de l'année 2017, l'ANSM a reçu cinq signalements d'utilisation abusive de codéine chez des mineurs, dont deux ayant entraîné des décès (voir encadré). Mais ces chiffres ne sont "pas exhaustifs", "il est fort probable qu'il y ait d'autres cas, pas déclarés", a souligné Mme Richard. En 2016, l'agence avait comptabilisé une quinzaine de signalements, dont deux ayant nécessité une hospitalisation.

Les pharmaciens appelés à la vigilance

L'ANSM lancera dans les prochains mois "une étude spécifique sur ce phénomène", auprès des pharmacies et des services d'urgence pédiatriques, qui permettra d'avoir "des précisions sur la typologie" de ces usages détournés et leurs "conséquences sanitaires", a expliqué Mme Richard.

L'agence entend aussi renouveler l'appel à la vigilance des pharmaciens, qui "peuvent refuser une vente quand ils jugent que la délivrance du médicament peut avoir des conséquences sanitaires", et sensibiliser les professionnels de santé en contact avec les jeunes et les enseignants.

avec AFP

La mère d'une jeune fille de 16 ans décédée début mai d'une overdose de codéine, interrogée ce 9 juin par Le Parisien, a lancé une pétition sur internet pour interdire la vente de cette substance sans ordonnance, qui a recueilli environ 900 signatures en trois semaines.