Les médicaments aromatisés, pas du goût de tout le monde

Alors que les médicaments en vente libre et aux goûts appétissants se font de plus en plus nombreux en pharmacie, une députée s'alarme. Sans intérêt pour notre santé, ils ne sont pas sans dangers.

Héloïse Rambert
Rédigé le , mis à jour le
Les médicaments aromatisés, pas du goût de tout le monde

Efferalgan® cappuccino,  Fervex® framboise ou Smecta® fraise... et pour vous, qu'est-ce que ce sera ? Depuis quelques mois, les médicaments pour adultes aromatisés, aux goûts plus attrayants les uns que les autres, fleurissent dans les officines.

Michèle Delaunay, députée, cancérologue et ancienne ministre déléguée chargée des Personnes âgées, a adressé, le 15 août 2016, une lettre à la ministre de la Santé pour l'alerter sur la multiplication de ces médicaments accessibles sans ordonnance. Elle fustige un marketing dangereux pour les patients : "Les industriels du médicament doivent cesser de développer des produits qui ont pour seul objet de séduire des consommateurs." Elle ajoute qu'il n'est "pas souhaitable que des médicaments pour grands enfants et adultes deviennent un produit de consommation marketing avec un choix de goûts et de saveurs innovants et à la carte."

La députée craint "pour les plus jeunes" pour qui "ce goût attrayant" pourrait entraîner "une surconsommation qui peut être dangereuse" et demande un encadrement de ces produits. Elle affirme qu'elle se saisira de la question dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017 et dont elle est la rapporteuse.

L'arôme, pour "faire passer la pilule" chez les plus petits

Un médicament ne peut-il pas être aussi bon qu'efficace ? Il n'est pas question de laisser leur mauvais goût aux sirops et autres poudres par principe. Le Pr Alain Astier, chef de service de la pharmacie hospitalière à l’hôpital Henri-Mondor, à Créteil, rappelle que l’aromatisation des médicaments peut avoir un intérêt lorsqu'il s’agit de formes liquides destinées aux enfants. "Dans ce cas, un goût de fraise, par exemple, le plus communément apprécié des enfants, permet de faciliter la prise et d’éviter le rejet", commente-t-il.

Chez les adultes, il est aussi important de travailler à rendre les traitements au long cours plus faciles à avaler, note le pharmacien : "La forme d’un comprimé, trop gros ou trop allongé, peut le rendre impossible à avaler et nuire à l'observance." Certains médicaments liquides pour adultes au mauvais goût, comme par exemple des sachets de poudre de calcium-vitamine D, prescrits contre l'ostéoporose, sont aromatisés à l’orange pour réduire le risque de "décrochage" du traitement.

Un bénéfice pour les labos, un risque pour les consommateurs

Mais dans le cas de médicaments sans ordonnance, dont la prise est ponctuelle, l'aromatisation relève de la pure séduction et ne présente aucun avantage. "Cette tendance est ridicule et ne sert que les intérêts financiers des fabricants", tempête le Pr Astier. Et elle n’est pas sans dangers. "Les édulcorants utilisés, en tant que tel, ne sont pas dangereux. Mais ils le deviennent parce qu’ils banalisent les médicaments et, en ce sens, peuvent favoriser un mésusage ou une surconsommation."

Le surdosage de paracétamol (principe actif de l'Efferalgan®), par exemple, est toxique pour le foie.  Et comme la députée, le pharmacien craint que l’attrait potentiel de ces "faux bonbons" sur les enfants puisse être une source d'accidents.

Le Pr Astier s'étonne de ce soudain intérêt pour ce genre de produits de la part des adultes : "Des études ont montré que les adultes préfèrent les médicaments à l’aspect un peu austère, avec des couleurs comme le marron ou le blanc. Ils associent cette sévérité au côté "sérieux" des médicaments." Les goûts des consommateurs semblent changer. Sommes-nous tous devenus de grands enfants ?