Don d’organe : « J’aurai toujours une dette envers la famille de mon donneur »

En France, près de 68 000 personnes vivent grâce au coeur, au poumon, au rein, au foie d'un autre. Mais trop peu de monde est sensibilisé au don d'organe.

Lucile Boutillier
Rédigé le , mis à jour le
L'Agence de Biomédecine lance une campagne de sensibilisation au don d'organes.
L'Agence de Biomédecine lance une campagne de sensibilisation au don d'organes.

Beaucoup de familles refusent aujourd'hui de donner les organes de leur proche décédé. C’est pourtant grâce à eux que près de 68 000 personnes continuent à vivre aujourd’hui en France. Pour une meilleure information sur le don d'organe, l'Agence de la biomédecine a lancé le 17 octobre une campagne de sensibilisation.

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Vivre grâce à un mort 

"Je me dis tu as de la chance, tu es là’." Georges Fonton vit avec le coeur d'un autre depuis 17 ans. Il ne se plaint jamais. "La famille de mon donneur, elle, a une vraie raison pour se plaindre", poursuit-il.

Pas un jour sans qu'il ne pense à lui. "J’ai sept petits-enfants, sans ma greffe je n’en aurai connu aucun."

Aux proches de celui qui lui a sauvé la vie, il a envie de dire : "Merci ! Merci ! Le mot reconnaissance. Une reconnaissance infinie. J’aurai toujours une forme de dette envers cette famille, une dette morale."

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"Même les effets indésirables ne sont plus indésirables"

Comme tous les patients greffés, il a du prendre des anti-rejets, des traitements qui affaiblissent son système immunitaire. Des effets indésirables, bien sûr, il y en a eu, mais Georges ne préfère pas s'appesantir là-dessus. "Ces effets, ils ne sont pas indésirables, puisqu'ils me permettent de vivre."

Depuis sa greffe, il voit la vie autrement : "Cela me fait beaucoup relativiser," explique-t-il. Peu importe ses problèmes de santé, comme les nodules apparus dans sa gorge. Aujourd'hui, il est serein.

"Sa mort était moins absurde"

Marie-Laure Lebegue a perdu son mari en 2015. Il a succombé à un AVC. Faire don de ses organes a aidé toute la famille à faire son deuil. "On lui a pris le coeur, les poumons, les reins, la cornée, la peau, et même les os car il était en bonne santé. Je me suis dit que ça avait sauvé un grand nombre de personnes. Tous ces receveurs vont bien. Grâce à lui, d'autres vivent. Ca nous a aidé à supporter son absence."

En passant par l’Agence de biomédecine, Marie-Laure a pu écrire à ceux qui ont reçu les organes de son époux. "Je leur ai dit de vivre leur vie, de profiter de ce cadeau. Je leur ai dit que leurs organes venaient de quelqu’un de profondément gentil et que ça leur porterait chance."

Ce don, pour elle, c'était une nécessité. "Mon mari est mort en deux jours à cause de cet AVC. Au moins, sa mort était moins absurde. Si nous n'avions pas pu faire don de ses organes, nous n'aurions pas respecté ses volontés. Il continue de vivre à travers d’autres."

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Une décision prise à deux

Marie-Laure et son époux étaient sensibilisés au don d’organe. En 2000, leur fils a même reçu un rein. Cet événement a déclenché de nombreuses discussions au sein du couple. "C’était une évidence, nous étions tous les deux d’accord pour donner nos organes et on en avait beaucoup parlé."

Pour elle, il ne faut pas hésiter à parler du don à ses proches. "Quand ça arrive, on comprend que c’est très important d’en discuter de son vivant. Si on n’en parle pas, lors de la mort on est sous le choc. C’est une horreur de décider à la place de quelqu’un d’autre."

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Un don encore tabou

Depuis la mort de son mari, Marie-Laure est devenue vice-présidente de la Fédération des Associations pour le Don d'Organes et de Tissus humains de l’Eure-et-Loire. Elle a mené beaucoup de conférences pour sensibiliser au don d’organe. "Les gens ne savent pas comment ça se passe", raconte-t-elle. "Mais il suffit d'expliquer les choses, et leur réflexion avance".

"Le don d’organe fait peur", résume-t-elle. "La greffe a une image positive mais parler du don d’organe, c’est parler de la mort, alors c’est tabou. Pourtant sans don d’organe, pas de greffe."

En cas de mort cérébrale, toute personne est considérée comme donneuse d'organe, sauf si elle est inscrite sur le registre national des refus.